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ATHINA IOANNOU
 

ATHINA IOANNOU

Athina Ioannou

Le travail de Athina Ioannou est d'une nature profondément classique. Il concentre
toute l'attention tant de l'artiste que du spectateur sur la partition de l'espace, de la
lumière, du temps et du rythme, presque avec autant de conséquence qu'une partition
musicale, d’une construction architecturale, d'un temple grec ou d'une cathédrale
gothique. La relation première est sans doute ancrée dans l'éveil de la conscience qui
s'institue en même temps que l'espace public et avec lui. Auteur et spectateur se
rencontrent de ce fait, au coeur de la Cité. Qu'elle soit Cité de Dieu ou Cité des
Hommes, elle n'a d'intime que la conviction de son être public, de son lieu de partage,
de son infini dédoublement en la personne de l'autre. Que l'autre soit présent par un
effet de rencontre ou par le moyen d'une révélation ceci ne marque qu'une simple
modalité du travail de l'artiste et non pas l'essence même de son art qui naît par et avec
cet autre pluriel et ouvert.
Que l'oeuvre se situe alors, au choeur d'une église ou à l'intérieur d'une friche
industrielle ce n'est qu'affaire de typologie. L'homme est engagé avec autant de verve
dans la foi de l'invisible que dans la confiance de ses oeuvres. L'art en est le témoin
privilégié et il tient de la rencontre que de la révélation, de la parole et de l'ineffable, du
bruissement du monde et du langage structurant. C'est ainsi que la lumière, telle qu'elle
se présente dans les oeuvres de Athina Ioannou, est avant tout l'élément fondateur de
la réalité que l'oeuvre artistique révèle en même temps qu'elle donne au spectateur en
tant que son propre moyen de participation au réel: l'une rend visible et l'autre
participe à la vue. La partition de l'espace prend ainsi le double aspect d'une
répartition architecturale des alternances du mouvement et de la stase, que d'une
partition musicale des rythmes et des durées, des tonalités et des couleurs.
Athina Ioannou est un peintre au sens le plus accompli du terme. Par ses oeuvres, elle
ne fait que s'inscrire dans la plus sure généalogie du fait pictural qui n'est ni de l'ordre
de l'illusion, ni de la mimesis, ni de la représentation, ni de la figure. Il se tient
simplement au seul ordre de la présence, que l'altérité, le discernement et la perception
rendent tant possible qu’évident. En aucun cas la peinture ne se limite au simple fait
rétinienne. Depuis les grottes jusqu'aux Nymphéas de Monet et des mosaïques
byzantines et les vitraux gothiques jusqu'aux monochromes de Klein, les dripping de
Pollock, les empruntes de pinceau de Toroni ou les raclures de Richter, la peinture est
un infini travail de la partition du tout et du rien, du trait et de l'insaisissable. Entre la
réalité et l'irréalité du monde et des choses le peintre vient d'insérer un moment ou un
intervalle qu'il appartient au spectateur de percevoir soit comme une durée temporelle
qui laisse le temps d'exister avec le monde environnant, soit comme une mesure
spatiale qui donne un lieu qui permet de poser le regard et de voir de l'autre coté des
choses.
Diaphanéité ou résonance, la peinture est une transition où les choses se transforment
et nous- avec elles, par cet autre qui se donne au départ comme un simple élément
matériel qu'un rayon de lumière où le temps d'un souffle, transforment en une
expérience de la présence. Cet infime moment où l'espace s'ouvre autour de nous, où
nous pouvons exister collectivement comme humanité alors que la nature picturale est
l’expérience profondément intime de l’individuelle que la peinture retourne comme un
gant qui nous découvre avec les autres. Ceci est le fait même de son être avec et par
rapport à ce qui est là, au site et au lieu, cette expérience croisée entre ce site et ce lieu
qui d'une simple existence matérielle, d'une construction ou d'un bâtiment, se déplace
vers cette unique expérience du moment où la lumière qui les traverse n'est plus celle
qui vient de la fenêtre mais celle du regard qui a trouvé le moyen par le travail du
peintre, à reconnaître le mouvement du monde et des choses dans les plus fines
nuances du vivant. "Inscription du vivant", zoographia, disaient les anciens pour
désigner la peinture, et c'est exactement ce que Athina Ioannou fait de son oeuvre.
Dans le pays du soleil et de la lumière, à Narbonne, elle vient signifier par son oeuvre,
la douceur poétique et épouser les mouvements et les stances de ses rythmes.

Denys Zacharopoulos
Historien de l’art,
Directeur du Musée Macédonien d’art Contemporain