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LAURENT PERNOT
 

RÉSUMÉ, 2008

Laurent Pernot explore, expérimente, déplace. Après un brillant parcours (diplome du Fresnoy studio national des arts contemporains, Maîtrise Photographie & Multimédia, Université Paris VIII, directeur de recherches Dominique Baqué puis multiples résidences à l’étranger) il s’attache à créer un univers poétique qui tend entre l’enchantement et le désenchantement.

Par l’usage de dispositifs d’installations, d’images photographiques, de la vidéo et des images numériques, de l’interactivité ou encore de la composition sonore, l'artiste s’intéresse à la représentation de l’homme aujourd'hui : L’identité, le temps, l’imaginaire et les rapports nature/culture sont les territoires qu'il explore sur le mode d’une pensée méditante, à l’inverse des principes de la société de consommation où l’impatience, l’instantanéité et le temps réel dominent. À travers ces espaces artificiels qui entraînent la perte de repères, il provoque l'émotion et souligne la présence d’une réalité dévoilée, en initiant des images qui surgissent et s’évanouissent comme celles des songes, des fantasmes ou des souvenirs.

Ses travaux sont très souvent irrigués de références littéraires, picturales et cinématographiques, qui amènent le spectateur à solliciter sa mémoire et à remettre en cause sa perception. Pour cela, Laurent Pernot concilie systématiquement deux approches : il élabore des œuvres à la fois attractives et menaçantes, à première vue évidentes et pourtant irrésolues, telles des fictions amputées de leur dénouement et laissant derrière elles une étrangeté troublante. En s’immisçant entre réel et fiction, entre microcosme et macrocosme, et en jonglant entre visible et invisible, il expérimente des dispositifs métaphoriques et oniriques qui peuvent surprendre par leur caractère hypnotique, à l’instar des travaux de Jeff Wall, Bill Viola ou Pierre Huyghe.

Par ailleurs, Laurent Pernot s’intéresse particulièrement aux recherches scientifiques menées actuellement en matière d’anthropologie, de cosmologie et d’écologie, ainsi qu’à la façon dont les nouvelles technologies(1) veulent nous faire croire qu’il est possible de retirer à la condition humaine le tragique. Hors, comme le dit Étienne Klein(2), nous devons réintroduire le tragique de façon directe, car c’est un délire absolu de penser que nous parviendrons à nous libérer du corps, de ses tourments, de ses avatars et de la mort. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si la création actuelle fait la part belle aux vanités, à la mort et ses représentations. D’une part, la peur est en train de dominer nos réflexes collectifs (peur de respirer, manger, faire l’amour, voyager etc.), en nous faisant parfois fuir la vérité au profit du bien-être, et d’autre part, jamais notre confort et l’étendue de nos savoirs n’ont été aussi élevés. Si notre société est de plus en plus protectrice, elle est paradoxalement de plus en plus autoritaire et productrice d’angoisses face à l’inconnu, devant l’avenir, ce qui semble contraire à la liberté(3). À l’opposé, les travaux de Laurent Pernot suggèrent une posture lucide et dédramatisée.

Sa démarche repose ainsi sur l’exploration des ambiguïtés de l’existence et est influencée par les glissements possibles entre notions scientifiques et philosophiques, en particulier celles qui traitent de la conscience humaine et des particularités de la vie.

Pour ce plasticien qui privilégie toutes les formes d’expressions, l’art est un générateur d’expériences qui permet individuellement de nous sculpter un rapport au monde. Une démarche sensible et féconde en questionnements, en émotions et en projections.


(1) Et plus généralement la propagande du progrès énoncée par Paul Virilio
(2) Physicien et docteur en philosophie des sciences, interviewé par Susanna Lotz pour ArteTV, 15-03-06
(3) Nina Simone : "Je vais vous dire ce qu’est la liberté : l’absence de crainte"