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MARCUS STEINWEG
 

ABECEDAIRE DE LA SOUVERAINETE

ARTAUD

Artaud attend du THEATRE quelque chose d’autre que ce “ défi de la sensibilité”, qui laisse le sujet sortir de la troupe, comme le constate Lacan en pensant à [] Sade, Artaud veut le collapse ou la CATASTROPHE DE LA SUBJECTIVITE (transcendantale) ? La performance du théâtre consisterait surtout dans cette PRAXIS ANATOMIQUE, dans la production d’un certain essoufflement et la vertèbre athlétique du corps, duquel Artaud promet la communion rare de l’auteur et du public : “ Le théâtre/ est l’état/ l’endroit,/ la place,/ d’où comprendre l’anatomie humaine/ et par là la vie peut être soignée et régie. ”

Au lieu de laisser le sujet respirer, le théâtre l’arrache de “ son amarrage psychosocial ” (Lacan), lui enlève la parole, sa parole, la langue de son corps, l’air. Qui pourrait être indifférent au râle et l’essoufflement accéléré sous la surface de cette langue? Les cris d’Artaud “ sont le râle dans le souffle ”, a dit Deleuze.


BARTLEBY, ODRADEK ET ANTIGONE

Bartleby et Odradek représentent des sujets sans identité fixe. Ce sont des sujets sans noms, sans détermination, sans qualités, sans particularités: des sujets nus. Bartleby, Odradek et Antigone représentent ce que j'appelle la liberté absolue d'un sujet qui ne connaît pas d'intérêts, pas de préférence. Ils se sont libérés de toute particularité d'intérêts. Ce sont des universalités pures. Des vies nues. La nudité est un autre nom pour cette liberté qui résiste à la non-liberté factuelle. La nudité fait de ces sujets des sujets d'une certaine résistance.


CONFIANCE EN SOI

La philosophie doit cesser de ne pas se faire confiance. Elle doit combattre sa tendance à la LARMOYANCE, le “ régime de pleurnicherie enfantine ”, que connote “ l’Anti-Oedipe ” dans la figure de l’œdipe et de son “ papa-maman ”. Elle doit interrompre les jérémiades sur sa soi-disant fin et la MORT DU SUJET, afin de “ développer ” dans l’espace de cette interruption “ sa propre lenteur essentielle ”, afin de réagir à la vitesse ou à la rapidité (Schnelligkeit), comme dit Heidegger, de la révolution capitaliste (de la circulation globale des biens et des valeurs). Elle doit se décider en faveur d’une AUTRE VITESSE que celle du capital. En faveur d’un rythme qui génère une excessivité autonome et une accélération et n’est plus un rythme au sens strict. Plutôt l’interruption de la rythmique circulaire du retour qui domine la pulsation de tous les systèmes d’équivalence.


DIGNITE

Si Zizek a raison en constatant “ que la DIGNITE humaine repose sur le désir urgent de maintenir un minimum de lueur protectrice ”, la chair est par la suite indigne. Ce serait le nom du devenir absolu et de l’absence de protection du factum existentiel, qui représente l’impossibilité en tant que telle, dans la mesure où il compose le lieu du conflit de deux affects : de la médiatisation de la “ matière ” par l’ “ esprit ” et de l’affection de l’ “ esprit ” par la “ matière ”. C’est le lieu de la cruauté, d’un excès incontrôlé, soustrait à l’économie de la violence. Une immense cruauté est nécessaire afin de libérer le sujet de son humanité (de la protection d’une partie de son humanité, qui garantit sa dignité), pour dévoiler la place de l’absurdité inhumaine, qui est à la fois l’élément de l’idée de l’homme et de son humanité. En exerçant cette forme de cruauté, le sujet se détruit toujours lui-même. Il se débarrasse de la protection de sa fonction symbolique, se perd en tant que sujet, afin de toucher sa propre vacuité d’être dans l’acte d’une CRUAUTE NON-ECONOMIQUE et, dans l’excès de la violence, de faire d’une haine de soi horrible et répétitive un opérateur libidineux de l’anéantissement.


ETHIQUE

Le sujet s’oppose au MONDE DES BIENS ET DES FAITS, afin de créer son propre factum, sa propre vérité et un événement dont elle est témoin. L’éthique du désir philosophique se confirme au moment du dépassement de la norme sociopolitique. Elle produit sa propre économie de la résistance, du reniement, de la détermination et de la “ révolte logique ” (Rimbaud). Le kairos, le MOMENT DE LA LIBERTE, dit Antonio Negri, est le “ moment qui lance la flèche de l’être de la corde, le moment de l’ouverture, de la découverte de l’être au bord du temps. Nous vivons à chaque moment cette zone limite de l’être dans le devenir. ”


FASCINATION

La fascination est toujours fascination de l’extrême. Elle se lie par l’invocation de la cruauté et de l’effroi, avec ce qui est déjà au-delà de l’extrême et du possible, en résistant à l’encaissement par l’économie. L’ “objet ” de la fascination, son but, est un EXTREME ABSOLU, qui se montre en tant que perturbation de L'ECONOMIE DE LA VIOLENCE habituelle en général, sans être lui-même l’élément réglé d’une opération économique: “ Seul ce qui ne s’échange pas comme valeur, est fascinant : sexe, mort, folie et violence, c’est pourquoi ceux-ci sont partout opprimés. ”


GRANDEUR DE L'ETRE HUMAIN

“ Le sujet est le réel ”, dit Zizek. Ce qui veut dire que la subjectivité du sujet, son être, sa substance, sa nature ou son essence repose dans cette ABSENCE DE SUBJECTIVITE, d'être, de substance, de nature ou d'essence. Le concept de sujet ne peut être gagné qu'en relation avec ce qu'il dépasse. Être sujet signifie être sans subjectivité transcendantale, substantielle, essentielle, naturelle. Le SUJET SANS SUBJECTIVITE est sujet d'une ouverture radicale : il est ouvert à la dimension de la fermeture du sujet. C'est là que réside, selon Heidegger, la “ grandeur intérieure de l'être humain ”, dans la possibilité d'aller au-delà de soi. Être autre par rapport à ce qu'il est factuellement.



HOMME : (ANIMAL)

La différence entre l’homme et l’animal est peut-être indécidable. Mais, elle est en tant que telle une réalité, qui exige son propre concept. Dans le sujet humain, se révèle ultimement un autre courant charnel : tandis que l’animal prie le corps, le sujet rend hommage à la chair. De l’oubli de la chair religieuse des animaux (tout vitalisme et l’animalité même sont empreints de pratiques religieuses), on peut distinguer l’oubli du corps areligieux du sujet. La chair du sujet s’articule autrement. Elle enlève le sujet à sa relation à soi et à son corps.

La chair est muette et persévérante, efficace également dans la mesure de son inconscience. Quand le système corporel touche à ses limites et commence à chuter, on a sûrement à faire à une intervention de la chair. Le corps est déjà l’événement de fuite, un système d’ordre, qui donne une forme à la chair et impose un sens en entaillant en lui les fonctions et les signifiants.


IMPUISSANCE VOLONTAIRE

Des sujets, qui ne veulent pas être sujets, s’appuient sur des faits. Les sujets-faits sont sujets d’une continuelle désubjectivation de soi. Le sujet-fait se rapporte à lui-même comme à une chose, à un objet, un factum immuable. C’est le sujet d’une impuissance volontaire. C’est le sujet de la PEUR.


"KAMPFGEMEINSCHAFT" (COMMUNAUTE DE COMBAT)

En 1922, Heidegger s’adresse à Karl Jaspers. Il envisage de publier sa critique sur la “ Psychologie der Weltanschauungen ” (1919) de ce dernier. “ En pleine conscience d’une communauté de combat rare et individuelle ” qui l’unit à Jaspers, précise-t-il. Dès 1920, Heidegger a le “ sentiment ” (il met le mot entre guillemets), que Jaspers et lui, “ [travaillent] à une réanimation de la philosophie pour les mêmes raisons fondamentales ”. Il s’agit de la réanimation d’une philosophie totalement académisée suite à l’historisme du XIXème siècle. Comme on le sait, Nietzsche a rédigé des textes qui traitent du même thème. Dans Über die Zukunft unserer Bildungsanstalten (une conférence de 1872), il parle ouvertement des “ étranges philosophes des universités ”. L’université est devenue le lieu d’un nouvel historisme, un endroit où se développe une philologie qui s’éloigne de la vie et de son devenir. La philosophie s’épuise dans l’exégèse scrupuleuse. Elle devient une pratique d’auto-asservissement des lecteurs qui ne sont plus que les écoutants et les esclaves de l’histoire et de sa tradition : “ C’est ainsi que peu à peu l’interprétation profonde des problèmes classiques est remplacée par une problématique historique et même presque philologique qui consiste à se demander ce que les philosophes ont bien pu penser ou pas, si des textes peuvent leur être attribués ou non ou même quelle mode de lecture il s’agit de privilégier. C’est à ce contact neutre avec la philosophie que nos étudiants sont confrontés maintenant dans les séminaires philosophiques de nos universités, ce qui m’a conduit depuis longtemps à considérer cette science comme une branche de la philologie et à en juger les représentants selon qu’ils sont de bons philologues ou pas. La philosophie elle-même se trouvant ainsi bannie de l’université, nous obtenons une réponse à notre première question portant sur la qualité de la formation universitaire. ”

Au cours des années 20, la communauté de combat se constitue, qui refuse cette auto-neutralisation de la philosophie. La philosophie qui domine à l’époque, le nouveau kantisme et sa réduction de la pensée à une architecture de systèmes et à un mécanisme de concepts, est bouleversée conjointement par Jaspers et Heidegger. Kierkegaard et Nietzsche symbolisent une pensée existentielle qui s’insurge contre le manque d’engagement de l’académisme. Il s’agit d’accorder à la philosophie la place qu’elle mérite. La philosophie doit être considérée comme une nécessité : “ La vieille ontologie (et les structures de catégories qui en résultent) doit être remaniée de fond en comble, il est urgent de formuler les intentions fondamentales d’une existence propre et actuelle et de la garantir. ” (lettre de Heidegger à Jaspers, datée du 27.6.1922).

Heidegger a réalisé ce projet dans ses cours des années 20 et en particulier dans Etre et Temps (1927). Pour Jaspers, orienté sur un être autonome en liberté, la communication et l’historicité, l’hybris de Heidegger ( l’“ arrogance ruineuse ” qu’il reproche aussi à Hegel, Nietzsche et Marx, qui consistait à conduire la philosophie vers une nouvelle autre approche (anderen Anfang) en débattant de son premier début (ersten Anfang), “ à recommencer au début”, avait quelque chose de suspect. La communauté de combat fut dès le départ une communauté d’attitudes fondamentales se combattant mutuellement. Elle s’est articulée en tant que conflit de mesure et de modération, de communication et d’hypothèse, d’argumentation et de diction, de réserve et d’hyperbolisme. Elle fut définitivement ébranlée de façon irréversible en 1933 lorsque Heidegger prit la direction du rectorat de l’université de Fribourg. Jaspers a pourtant rêvé de la réanimation de cette communauté jusqu’à sa mort en 1969. Et à l’occasion du 80e anniversaire de Jaspers, Heidegger lui-même lui adresse ses vœux en “ souvenir des années 20 de ce siècle impétueux ”. Si elle a été plus qu’un rêve, la communauté de combat ne fut réalité que pendant une décennie.


LIBERTE

Le sujet s’oppose au MONDE DES BIENS ET DES FAITS, afin de créer son propre factum, sa propre vérité et un événement dont elle est témoin. L’éthique du désir philosophique se confirme au moment du dépassement de la norme sociopolitique. Elle produit sa propre économie de la résistance, du renie, de la détermination et de la “ révolte logique ” (Rimbaud). Le kairos, le MOMENT DE LA LIBERTE, dit Antonio Negri, est le “ moment qui lance la flèche de l’être de la corde, le moment de l’ouverture, de la découverte de l’être au bord du temps. Nous vivons à chaque moment cette zone limite de l’être dans le devenir. ”


MAIN

Comment se débarrasser de la chair, de la réalité redoutable d’un surcroît de chair, d’une démesure absurde, qu'aucune habitude n’amortit? Le choc, que représente la présence excessive de la chair, est l’expérience traumatique d’un NON-SENS ABSOLU, du collapse du système économique. Dans cette expérience de l’absence de sens, l’expérience se brise elle-même. La mémoire comme univers de rituels sociaux et de prescriptions d’actions explose. Même une poignée de main devient impossibilité. Toute forme de rencontre, tout “ contact social ” mène à l’expérience d’une absence têtue. (On devrait rendre hommage, à cet endroit, aux espérances et aux efforts de Celan et de Levinas pour recevoir dans la “ poignée de main ” la présence d’autrui transsymbolique ou transontologique). L’expérience de cette expérience ne peut plus simplement s’appeler “ expérience ”. Elle est choc ou déraillement traumatique d’un sujet, comme le vit Antoine Roquentin chez Sartre en tant que hantise de la nausée. Au moment, où la salutation de la main de l’autodidacte devient “ un gros vers blanc ” et l’évidence d’une poignée de main apparaît obscène, sombre, insupportable ou ridicule, il ne reste plus que de la chair.

La main, à laquelle Heidegger accorde une aptitude particulière pour déterminer le propre de l’ “ être humain ”, un statut dans une certaine mesure exclusivement ontologique, ne perd pas seulement ce privilège, elle se perd en tant que main, s’égare en ne démontrant rien d’autre que son inutilité.


NON-PROPRIETE

S’il est vrai que la philosophie est inséparable de l’événement d’une certaine introspection d’un sujet, si donc l’image de soi, c’est à dire du propre, fait partie de la notion de philosophie en tant que telle, s’il est prouvé “ que l’inépuisable question de la vérité et de la lumière, de l’Aufklärung (...) a toujours été liée à la question de l’homme ”, qu’elle “ revendique une notion de propre de l’homme ”, comme le dit Derrida, la question se pose de savoir ce que serait une philosophie qui rompt avec cette notion de propre, avec la logique de la propriété.

Peut-il y avoir une philosophie qui renonce à cette notion ? Une philosophie qui se dépasse en tant que philosophie du propre pour être une autre philosophie, une philosophie de l’Autre ou d’une autre pensée de l’Autre ? Peut-on envisager une pensée qui ne soit plus animée par le souci de l’humanité de l’homme, une pensée qui se soit délestée du fardeau de l’idée de l’homme ? Une philosophie qui se soustrairait au terrible dispositif ontologique qui réunit les notions d’un soi ou d’un moi-même, du propre et du vrai, de l’essence, de la substance, de l’identité, de la subjectivité d’un sujet pour garantir en même temps l’objectivité des objets, la nature des choses, de l’être non-humain ? La philosophie n’est-elle pas apparue dès le départ comme la question du on hé on, de l’étant en tant qu’étant, en tant que pratique ontologique qui pose la question de l’être de l’étant, de son fondement élémentaire ? Et cette question (du sens) de l’être en soi, la question heideggerienne de l’être, n’est-elle pas justement liée au fondement du propre ? Cela ne fait aucun doute.

Et pourtant ce propre et peut-être le plus propre de l’homme, l’être du Dasein, ne peut pas être lui-même approprié. Le plus propre de l’homme n’appartient pas à l’homme. Peut-être est-ce là l’aspect le plus radical de la pensée heideggerienne : avoir pensé ce plus propre en tant que quelque chose d’absolument étranger, tout en insistant en même temps sur la nécessité de la question du plus propre. L’être de l’homme “ est ” (comme l’être en soi) ce qui dépasse l’homme (le Dasein). Le sens de ce que l’on nomme la différence ontologique entre l’être et l’étant est que l’étant “ homme ” habite son être comme une étrangeté absolue, comme un océan infini. Pour ce sujet océanique, l’expérience de soi est en même temps expérience de l’étranger, l’expérience de ce qui défie son soi. Le sujet de cette expérience doit se dépasser soi-même pour être dans son soi. A vrai dire, il n’est son être qu’à l’instant de son dépassement, que lorsqu’il devient autre qu’il est. C’est là que la distinction entre le sujet de la démocratie et le sujet démocratisé s’exprime en tant que modalité de la différence ontologique :

Le SUJET DEMOCRATISE []est attaché à la (pseudo-)substantialité de sa détermination et de sa limitation ontologiques. Il défend son statut d’être établi au nom d’une identité politique. Il est le sujet d’une immobilité identitaire. Le SUJET DE LA DEMOCRATIE par contre est le sujet hyperbolique du devenir, du DEVENIR-AUTRE, donc d’une mobilité qui le propulse au-delà de son STATUT IDENTITAIRE (qui est de toutes les façons toujours multiple). Le propre de ce sujet réside dans sa non-propriété, son essence est sa non-essence, sa substance consiste à être sans substance.


ONTOLOGIE DE LA CRUAUTE

On devine les difficultés d’une ontologie de la cruauté, qui se refuse de s’abandonner à la fascination aveugle pour l’infâme, tout comme la RELIGION ET LA DICTATURE DES FAITS. Les problèmes, qui en soi donnent une pensée, se refusant au vitalisme des religions animales comme à la brutalité d’un rationalisme toujours déterminé par la violence et des idéologèmes, qu’il produit, demeurent sans exception dans le domaine d’une certaine inconséquence de la distinction entre le corps organique (et une organisation socio-animale) et la sombre présence de la chair, qui peut être déterminée comme présence d’un CORPS NON-REPRESENTABLE dans le corps social et individuel ou égologique.


PHILOSOPHIE

La philosophie fuit les spectres et les phantasmes qui surgissent avant l’apparition du réel. Elle fuit dans la réalité le réconfort, l’illusion, le simple paraître, le phantasme nu. Elle fuit dans le savoir, dans l’episteme, l’opinion, la doxa, le bon sens ou le sens commun. Elle fuit dans la responsabilité la morale de la société et de l’histoire. Elle se dérobe à la dictature de la mémoire, aux systèmes de culpabilité et de conscience pour être, dans un sens radical, innocente et sans scrupules. Elle est un mouvement de liberté et de libération de soi. Philosopher signifie aimer la liberté. La désirer et la vouloir. La philosophie est l’amour de la liberté. La philosophie est “ romantique ” au sens fort. Le romantisme de la philosophie maintient la pensée dans son inquiétude élémentaire. La philosophie ne connaît pas le repos. Elle ne connaît ni la mesure, ni le repos. Son désir s’accélère à l’infini, on ne peut l’arrêter car il est excessif.

La philosophie se dépense dans l’invention d’une NOUVELLE RÉALITÉ. Elle est hyperbolisme du réel. Philosopher signifie aimer de manière exagérée, inquiète et excessive par la fuite libre, réelle, loin des fantômes de la servitude. La philosophie ne fuit pas la réalité. Elle fuit dans la réalité.


RESPONSABILITE

La responsabilité est le dépassement de soi. Être responsable signifie être sans repos tout comme la philosophie. Cela veut dire se dépasser au sein de la réalité et du temps dans lequel on vit, c'est-à-dire dans l’ici-et-maintenant. Nietzsche est le penseur de ce dépassement. Nietzsche connaît les efforts du sujet responsable. La responsabilité épuise le “ moi ”, elle déséquilibre le “ sujet ”, dans la mesure où le moi et le sujet résistent au quiétisme. Le sujet de la responsabilité est un sujet dissonant et sans cadence. Il n’est pas dans son axe. Il prend des risques sans cesse. Il joue avec lui-même comme enjeu essentiel. Il mobilise toute énergie et toute force pour être responsable. Il active même les forces dont il ne dispose pas. Il saisit l’impossible. Responsabilité signifie désirer l’impossible en tant que possible impossible. La responsabilité est tout comme la philosophie, un désir. Elle est un amour absolu, une passion absolue. Elle est catastrophe et dépassement. Elle existe seulement en tant qu’excès.


SUJET ABSOLU

Le sujet a la faculté de transcender, de percer ce qui n’est que factuel. Il dépasse ce qui le détermine. Dans l’instant de la décision véritable, il sort de l’histoire et se manifeste comme sujet absolu.


UNIVERSITE

La question de l’université mène obligatoirement à une APORIE, qui est peut-être plus générale que ce que l’on croit au premier abord. La souveraineté en général, comme nous pouvons le dire, se partage en semblant permettre au moins la distinction entre la souveraineté indivise ou sans condition et cette autre souveraineté spécifique. Un absolu, que Derrida relie à son tour avec un certain “ principe d’absolu ”, un “ absolu déterminé en général ”, un “ absolu sans force et capacité ”, cela veut dire entre autre pouvoir tout questionner avec une liberté inconditionnelle et parler ouvertement.

On voit comme la QUESTION DE LA SOUVERAINETE est fondamentale pour tout le reste, pas seulement pour des questions universitaires sur L'AUTORITE en tant que telle et sur sa relation à la liberté et à la LEGITIMATION DE LA LIBERTE. À la suite d’une liberté elle-même, qui est plus légitimée, à la légitimation de soi de ceux qui prennent la parole, qui annoncent leur PRISE DE PAROLE, afin de parler à l’université ou n’importe où ailleurs, partout où il y a un ESPACE PUBLIC, une RAISON PARTAGEE, un discours collectif, plus généralement une COMMUNICATION.

Pour participer au DISCOURS PUBLIC, à la décision d’un groupe ou d’un collectif “ démocratique ”, on a besoin de courage. Le COURAGE DE LA PRISE DE PAROLE et, lorsque c’est nécessaire, de la parole de transition et du changement d’orateur, de donner à soi-même l’autorité de parler par responsabilité et par liberté.

Un courage, qui renferme toutes sortes d’impondérabilités et de risques, dans la mesure où il ne reste pas sans suite, ne peut rester sans suite, il est donc un courage efficace et pratique et même pragmatique, qui permet au sujet de DEPASSER LA DIMENSION DU SIMPLE SAVOIR et de sa prétendue neutralité pour la dimension de l’action ou de la performance, ou comme nous disons aussi, d’une CERTAINE CRUAUTE. Car ce courage œuvre avec le risque D'AUTORISATION DE SOI, du pouvoir de résistance en général et l’intransigeance de la DISSIDENCE POLITIQUE. D’un sujet qui refuse de devoir s’obstiner face au TRIBUNAL DE L'OPINION PUBLIQUE, de l’histoire, de sa conscience ou de L'AUTORITE ETATIQUE, en formulant un principe nouveau, singulier de souveraineté et de la FORMATION AUTONOME DE SOI.

Derrida peut connoter cette souveraineté avec le “ principe de résistance absolue ” et de la “ dissidence ”, nécessairement politique, “ au nom d’une loi supérieure et une équité de la pensée : il s’en suit, “ que cette résistance sans condition pourrait mettre en opposition l’université avec toute une série de pouvoir : avec le pouvoir de l’état (et avec le pouvoir donc de l’état national et le phantasme de sa souveraineté indivise ; ainsi l’université ne serait dès le début non seulement cosmopolite, mais aussi universelle, car elle est au-dessus du cosmopolitisme et de l’état national en général), avec les pouvoirs économiques (des entreprises et du capital international), avec les pouvoirs médicaux, idéologiques, religieux et culturels etc. En bref, avec tous les pouvoirs, qui limitent la démocratie à venir et qui reste à venir. ”

Derrida tente d’appeler un au-delà déterminé, plus précisément à un au-delà indéterminé et sans condition ou inconditionnel des pouvoirs et lois politique, économique, médical, ce que l’on peut appeler la retombée ou l’efficacité de la souveraineté générale, de la CRUAUTE ou de la PULSION DE MORT dans l’histoire, dans L'ESPACE POLITIQUE DES ACTIONS ET DES FAITS et de son administration institutionnelle. Il y a ou il doit y avoir quelque chose, qui se soustrait à cette forme particulière de souveraineté et à sa cruauté, à la cruauté, qui ne se laisse ni attraper, ni enfermer, ni neutraliser, ni réduire ou affaiblir et assimiler.

Un AU-DELA ABSOLU OU UNIVERSEL DU POUVOIR SOUVERAIN et de sa domination est un “ au-delà, qui n’aurait à faire ni avec les pulsions, ni avec les principes” et, conséquemment, un “ au-delà de l’au-delà du principe de l’envie, au-delà de la pulsion de mort, au-delà de la pulsion de pouvoir. ” Afin d’ouvrir la question de la possibilité de cet au-delà à la possibilité de l’impossible et de l’au-delà de cette possibilité, on doit questionner le rapport de cet au-delà à l’action, à la décision politique et esthétique.


VIOLENCE PHILOSOPHIQUE

Au lieu de chercher l’être de la philosophie dans le rapprochement hésitant vers les objets aimés, il pourrait demeurer dans la PRISE DE POSSESSION RAPIDE, saccadée et inflexible.