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MARCUS STEINWEG
 

RÉSURRECTION

On peut appeler résurrection le triomphe des morts sur la mort, un acte de résistance posthume, qui bouleverse la causalité familière. Réconforter la mort, ignorer son apparition et son efficacité indéniable, est peut-être plus que l’effort naturel des mortels (les vivants), le devoir pervers des décédés (morts).

On a limité la survie, très régulièrement, à la continuation de la vie d’un vivant. On se refuse de considérer la survie comme la résurrection d’un mort. Une considération qui conduirait à saluer la continuation de la vie dans la survie qui ne s’épuise pas plus dans les images du souvenir que dans les moments de nostalgie recueillie ou dans les excès mélancoliques habituels. Blanchot a décrit ce triomphe des morts sur la mort dans une de ces nouvelles, dans laquelle il laisse le détail d’une résurrection devenir la description de la plus horrible de toutes les expériences.

La jeune fille, dont la mort implique le développement de ce retour triomphal, revient en tant que morte du royaume des morts. Le moment de sa maturité prévoit la rencontre entre un mort et un vivant : “ je me pencha sur elle, je l’appela tout haut, d’une voix claire son prénom ; et en même– je me permets de le dire ainsi, cela ne dura même pas une seconde– vint une sorte de respiration de sa bouche toujours fermée, un soupir qui devint progressivement un cri léger, faible ; presque au même moment – là aussi, j’en suis sûr, ses bras ont bougés, cherchaient à se lever. Les paupières étaient alors encore complètement fermées. Mais une, peut-être deux secondes plus tard, ils s’ouvrirent soudain en un regard terrible, dont je ne vais pas parler, le regard le plus affreux qu’un être humain vivant puisse avoir et je crois que j’ai tremblé à ce moment et j’ai senti la peur, que tout avait été perdu, mais ma tendresse était si grande qu’il ne me restait plus une pensée pour les choses étranges qui se produisirent, cela me paraissait sûrement tout naturel, et cela à cause du mouvement sans fin, qui me prit lors de ma rencontre avec lui, et je la pris dans mes bras, tandis ses bras me serraient, et dès ce moment, elle ne fût pas seulement complètement vivante, mais aussi complètement naturelle, joyeuse et presque guérie. ”

On ne doit pas se tromper. L’enjouement de la jeune fille, sa vivacité et son intégrité évidente, ne représentent aucune contradiction avec le fait qu’elle soit morte, vous devez considérer comme un indice fiable le fait que la résurrection ait réussi. La jeune fille revient à la vie, en tant que morte, au moment du témoignage afin de s’assurer de son être-mort, en tant morte vivante, dans les bras du narrateur. Une tendresse rare et étrange est exigible afin d’atteindre cette sorte d’intimité avec un mort, qui est nécessaire à l’acte de conception. Le narrateur ne se laissant toucher ni par la peur ni par l’étonnement exagéré, le miracle de la résurrection deviendra la signature de sa propre vie. Il commence à comprendre qu’il est aussi sujet de sa mort. D’une mort dont on ne peut pas dire qu’elle ne serait pas la vie en tant que telle. Le sujet, bien qu’il soit mort, n’a ni rompu ni refermé la vie, il est le sujet de l’immanence.