Rob Pruitt / Mïrka Lugosi
02 Dec 2006 - 20 Jan 2007
ROB PRUITT
"!"
Rob Pruitt commence une carrière fulgurante sur la scène américaine à la fin des années 80, formant un duo « bad boy » avec l’artiste Jack Early. Mais en 1992, une exposition à la galerie Leo Castelli stoppe net cette envolée. Les artistes sont boycottés pour avoir trop librement manipulé les icônes de la culture afro-américaine et osé franchir les limites politiquement correctes du communautarisme. C’est seulement en 1997 que Rob Pruitt fait son retour sur la scène artistique. D’abord timidement avec l’exposition d’une souris tirant derrière elle une banderole « vous devez m’aimer », puis de manière plus remarquée avec son Cocaïne Buffet qui met à genoux l’ensemble de la communauté artistique new-yorkaise. L’artiste prend sa revanche sur ce milieu en dénonçant ses contradictions et ses excès, mêlant à un cynisme salvateur une approche singulière et radicalement engagée. Rob Pruitt défend la pureté de ses intentions en réalisant des fontaines en cartons d’eau minérale qui renouent avec l’histoire de l’art contemporain (Duchamp et Warhol). Ses peintures de pandas pailletés dénoncent le sort réservé à cette espèce, tandis que les dessins à grands traits de Paris Hilton épuisent son côté glamour. En revisitant avec humour et séduction les codes de l’histoire de l’art et les règles du marché, Rob Pruitt indexe le pouvoir des images entre fascination et distanciation.
Air de Paris a le plaisir de présenter un nouvel ensemble de peintures et de sculptures. Des châssis réalisés à partir de panneaux isolants et recouverts d’une surface réfléchissante argentée sont éclaboussés de peinture rouge et rose vif puis recouverts de paillettes. Ces œuvres monumentales qui tapissent les murs de la galerie détournent l’histoire héroïque de l’expressionnisme abstrait américain en utilisant une palette fantaisiste et en laissant visible la nature des matériaux qui les composent. Au centre de la galerie, des blue jeans fourrés de béton brut ou de pâte à pain, réciproquement séchés à l’air libre ou cuits dans un four poilâne, sont agencés de manière insolite. Les matériaux utilisés et certaines poses « au repos » font de ces saynètes une allégorie du travail. Des postures frontales renvoient à l’image virile du cow-boy, d’autres plus complexes évoquent des positions sexuelles ou des figures mathématiques. Ces sculptures aveugles se reflètent sur les surfaces scintillantes des panneaux alentour mais sans volonté illusionniste. Ce sont les propriétés des matériaux, leurs qualités décoratives et leur capacité à générer des histoires qui sont au cœur du travail de Rob Pruitt.
Avec l'aimable participation de Marc Jacobs et des Compagnons boulangers Poilâne
MÏRKA LUGOSI
"Le malaise enchanté"
Mïrka Lugosi est « peintre d’images », dit-elle.
Cela me fait penser à l’univers nostalgique de l’enfance avec ses images données par la maîtresse ou trouvées dans les plaquettes de chocolat de cuisine, et qu’on rassemblait dans un album pour rêver. La « vraie » peinture est quelque chose de trop sérieux à ses yeux, aux immenses toiles peintes à l’huile ou à l’acrylique, elle préfère le papier, la gouache, les encres, la mine de plomb et les crayons de couleurs. Quant aux formats, ses œuvres sont rarement plus grandes qu’une simple feuille de papier à lettre et très souvent elles sont plus proches encore de la miniature.En fait, si Mïrka peint en tout petit, c’est, dit-on, parce que son atelier tient sur la table de la cuisine. C’est dans la promiscuité de ce boudoir incongru qu’elle explore les infinies possibilités d’un jeu de dames cruelles fréquenté par des petites filles dévergondées que Hans Bellmer n’aurait probablement pas renié. Nous ne sommes pas très éloignés non plus de l’univers onirique de Valentine Hugo ; ni de celui, pourtant très technique mais tout autant obsessionnel d’un Hernst Haeckel (Art Forms in Nature). Univers parallèles et comparables dans lesquels le détail a autant d’importance que l’ensemble.
« Regarder, c’est toucher avec les yeux » dit-elle.
Il est vrai qu’il faut bien s’approcher pour examiner ses images. En plus de leur format modeste, elles fourmillent de micros détails qu’on ne peut apprécier qu’en se rapprochant encore. A tout point de vue, elles invitent à entrer dedans, à traverser le miroir.
Décrire les images de Mïrka est délicat, car on ne sait pas exactement, ce qui nous est donné à voir. A l’inverse, les sentiments sont toujours d’une grande clarté. Celui qui domine est sans aucun doute le désir, il est pratiquement omniprésent dans toute l’œuvre de Mïrka. Le désir de voir, de toucher et de jouir, qui est le moteur de ces contes sans paroles. Du rêve, elle alimente son imaginaire et de l’observation, elle développe sa propre manière (il ne s’agit pas à proprement parler d’une technique car sa méthode est changeante et empirique). On pourrait dire que tout dans le travail de Mïrka Lugosi
est déroutant, tant par sont contenu que sa réalisation, mais l’impression qui revient systématiquement devant ses œuvres est l’émerveillement.
Alors, il n’est pas étonnant qu’elle ait choisi de nous parler de sexe car c’est dans l’intime et l’interdit qu’elle aiguise les flèches qui vont nous toucher ou nous égratigner. Au-delà de l’imagerie érotique conventionnelle, elle exalte nos pulsions en proposant les siennes comme autant de pièces d’un puzzle qu’elle n’achève jamais de reconstruire. En couchant sa fantaisie sur le papier, elle se met à nue devant nous, fière et vulnérable à la fois, telle une biche surprise par son chasseur.
Gilles Berquet
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Rob Pruitt commence une carrière fulgurante sur la scène américaine à la fin des années 80, formant un duo « bad boy » avec l’artiste Jack Early. Mais en 1992, une exposition à la galerie Leo Castelli stoppe net cette envolée. Les artistes sont boycottés pour avoir trop librement manipulé les icônes de la culture afro-américaine et osé franchir les limites politiquement correctes du communautarisme. C’est seulement en 1997 que Rob Pruitt fait son retour sur la scène artistique. D’abord timidement avec l’exposition d’une souris tirant derrière elle une banderole « vous devez m’aimer », puis de manière plus remarquée avec son Cocaïne Buffet qui met à genoux l’ensemble de la communauté artistique new-yorkaise. L’artiste prend sa revanche sur ce milieu en dénonçant ses contradictions et ses excès, mêlant à un cynisme salvateur une approche singulière et radicalement engagée. Rob Pruitt défend la pureté de ses intentions en réalisant des fontaines en cartons d’eau minérale qui renouent avec l’histoire de l’art contemporain (Duchamp et Warhol). Ses peintures de pandas pailletés dénoncent le sort réservé à cette espèce, tandis que les dessins à grands traits de Paris Hilton épuisent son côté glamour. En revisitant avec humour et séduction les codes de l’histoire de l’art et les règles du marché, Rob Pruitt indexe le pouvoir des images entre fascination et distanciation.
Air de Paris a le plaisir de présenter un nouvel ensemble de peintures et de sculptures. Des châssis réalisés à partir de panneaux isolants et recouverts d’une surface réfléchissante argentée sont éclaboussés de peinture rouge et rose vif puis recouverts de paillettes. Ces œuvres monumentales qui tapissent les murs de la galerie détournent l’histoire héroïque de l’expressionnisme abstrait américain en utilisant une palette fantaisiste et en laissant visible la nature des matériaux qui les composent. Au centre de la galerie, des blue jeans fourrés de béton brut ou de pâte à pain, réciproquement séchés à l’air libre ou cuits dans un four poilâne, sont agencés de manière insolite. Les matériaux utilisés et certaines poses « au repos » font de ces saynètes une allégorie du travail. Des postures frontales renvoient à l’image virile du cow-boy, d’autres plus complexes évoquent des positions sexuelles ou des figures mathématiques. Ces sculptures aveugles se reflètent sur les surfaces scintillantes des panneaux alentour mais sans volonté illusionniste. Ce sont les propriétés des matériaux, leurs qualités décoratives et leur capacité à générer des histoires qui sont au cœur du travail de Rob Pruitt.
Avec l'aimable participation de Marc Jacobs et des Compagnons boulangers Poilâne
MÏRKA LUGOSI
"Le malaise enchanté"
Mïrka Lugosi est « peintre d’images », dit-elle.
Cela me fait penser à l’univers nostalgique de l’enfance avec ses images données par la maîtresse ou trouvées dans les plaquettes de chocolat de cuisine, et qu’on rassemblait dans un album pour rêver. La « vraie » peinture est quelque chose de trop sérieux à ses yeux, aux immenses toiles peintes à l’huile ou à l’acrylique, elle préfère le papier, la gouache, les encres, la mine de plomb et les crayons de couleurs. Quant aux formats, ses œuvres sont rarement plus grandes qu’une simple feuille de papier à lettre et très souvent elles sont plus proches encore de la miniature.En fait, si Mïrka peint en tout petit, c’est, dit-on, parce que son atelier tient sur la table de la cuisine. C’est dans la promiscuité de ce boudoir incongru qu’elle explore les infinies possibilités d’un jeu de dames cruelles fréquenté par des petites filles dévergondées que Hans Bellmer n’aurait probablement pas renié. Nous ne sommes pas très éloignés non plus de l’univers onirique de Valentine Hugo ; ni de celui, pourtant très technique mais tout autant obsessionnel d’un Hernst Haeckel (Art Forms in Nature). Univers parallèles et comparables dans lesquels le détail a autant d’importance que l’ensemble.
« Regarder, c’est toucher avec les yeux » dit-elle.
Il est vrai qu’il faut bien s’approcher pour examiner ses images. En plus de leur format modeste, elles fourmillent de micros détails qu’on ne peut apprécier qu’en se rapprochant encore. A tout point de vue, elles invitent à entrer dedans, à traverser le miroir.
Décrire les images de Mïrka est délicat, car on ne sait pas exactement, ce qui nous est donné à voir. A l’inverse, les sentiments sont toujours d’une grande clarté. Celui qui domine est sans aucun doute le désir, il est pratiquement omniprésent dans toute l’œuvre de Mïrka. Le désir de voir, de toucher et de jouir, qui est le moteur de ces contes sans paroles. Du rêve, elle alimente son imaginaire et de l’observation, elle développe sa propre manière (il ne s’agit pas à proprement parler d’une technique car sa méthode est changeante et empirique). On pourrait dire que tout dans le travail de Mïrka Lugosi
est déroutant, tant par sont contenu que sa réalisation, mais l’impression qui revient systématiquement devant ses œuvres est l’émerveillement.
Alors, il n’est pas étonnant qu’elle ait choisi de nous parler de sexe car c’est dans l’intime et l’interdit qu’elle aiguise les flèches qui vont nous toucher ou nous égratigner. Au-delà de l’imagerie érotique conventionnelle, elle exalte nos pulsions en proposant les siennes comme autant de pièces d’un puzzle qu’elle n’achève jamais de reconstruire. En couchant sa fantaisie sur le papier, elle se met à nue devant nous, fière et vulnérable à la fois, telle une biche surprise par son chasseur.
Gilles Berquet