Kevin Rouillard
Soudure et Mayonnaise
07 Mar - 18 Apr 2020
KEVIN ROUILLARD
Soudure et Mayonnaise
7 March -18 April 2020
Soudure et mayonnaise. Cela pourrait sonner comme le titre d’une fable, avec l’artiste au travail pour personnage principal, partageant son temps entre l’atmosphère blafarde de l’atelier, où voltige les poussières de métal, et celle plus confortable de la cuisine, à mélanger des œufs, de la moutarde et de l’huile entre deux sessions d’assemblage. Ce serait presque le titre d’une fable si ça n’était pas, plus prosaïquement, l’énoncé de ce qui est moins un programme que l’expression d’une situation quotidienne, rythmée par les nécessités professionnelles et, pour le dire rapidement, biologiques. Soudure et mayonnaise donc, deux activités qui n’informent pas tant le travail de l’artiste que le contexte prévalant à sa réalisation, quand l’horizon des occupations ordinaires s’obscurcie sous l’ombre d’un agenda trop rempli. Il faut dire que Kevin Rouillard, entre ses grands murs du Palais de Tokyo (exposition visible du 20 février au 17 mai 2020) et cette nouvelle exposition proposée parallèlement à la galerie Thomas Bernard, n’aura pas beaucoup arrêté ces temps-ci. Mais au burn out qui menace comme une épée au dessus de la tête de notre occident néo-libéral, l’artiste renvoie à une formule qui n’est pas sans faire écho au fameux Traité du zen et de l’entretien des motocyclettes (1974) de Robert M. Pirsig. Dans les deux cas, la même inclinaison à trouver dans les gestes répétitifs (pour ne pas dire littéralement aliénants) une certaine noblesse : celle qui conduirait au repos de l’esprit et à un sentiment, sinon de plénitude, tout le moins de dégagement – dont le travail ne serait rien d’autre que le catalyseur.
Et c’est ainsi que sont à nouveau sorties de l’atelier de la rue Nau, dans le 5 ème arrondissement de Marseille, de grandes compositions métalliques. Chacune d’elle est monochrome : jaune, rouge, beige ou noire, et brille comme un habile rapiéçage de carrosseries. L’artiste explique avoir eu en tête des drapeaux, dont ces pièces seraient en quelques sortes l’expression minimale, au moment de leur exécution. Mais ici encore, suivant l’orientation qui fut la sienne ces dernières mois, plus de signes ou de juxtapositions de couleurs qui donneraient à ces bannières rigides une quelconque origine : elles restent orphelines de sens et d’appartenance, occupant les murs de la galerie tel un paysage rendu à sa plus simple apparition. On pensera alors, et une fois de plus, face à cette « couture » de bidons déroulés – comme se plait à la qualifier Kevin Rouillard – aux artistes appartenant de près ou de loin à la Color Field painting – Mark Rothko et Ellsworth Kelly en tête. Cependant, ces surfaces abstraites portent toujours en elles les stigmates de cette intense proximité qui lie l’artiste à son matériau. Rejetant un certain idéalisme formel propre à ces peintres au profit de la présence troublante, vibrante presque, du métal transformé, Kevin Rouillard fait surgir du monde industriel la part contemplative qu’on lui aurait ignoré.
Franck Balland
Soudure et Mayonnaise
7 March -18 April 2020
Soudure et mayonnaise. Cela pourrait sonner comme le titre d’une fable, avec l’artiste au travail pour personnage principal, partageant son temps entre l’atmosphère blafarde de l’atelier, où voltige les poussières de métal, et celle plus confortable de la cuisine, à mélanger des œufs, de la moutarde et de l’huile entre deux sessions d’assemblage. Ce serait presque le titre d’une fable si ça n’était pas, plus prosaïquement, l’énoncé de ce qui est moins un programme que l’expression d’une situation quotidienne, rythmée par les nécessités professionnelles et, pour le dire rapidement, biologiques. Soudure et mayonnaise donc, deux activités qui n’informent pas tant le travail de l’artiste que le contexte prévalant à sa réalisation, quand l’horizon des occupations ordinaires s’obscurcie sous l’ombre d’un agenda trop rempli. Il faut dire que Kevin Rouillard, entre ses grands murs du Palais de Tokyo (exposition visible du 20 février au 17 mai 2020) et cette nouvelle exposition proposée parallèlement à la galerie Thomas Bernard, n’aura pas beaucoup arrêté ces temps-ci. Mais au burn out qui menace comme une épée au dessus de la tête de notre occident néo-libéral, l’artiste renvoie à une formule qui n’est pas sans faire écho au fameux Traité du zen et de l’entretien des motocyclettes (1974) de Robert M. Pirsig. Dans les deux cas, la même inclinaison à trouver dans les gestes répétitifs (pour ne pas dire littéralement aliénants) une certaine noblesse : celle qui conduirait au repos de l’esprit et à un sentiment, sinon de plénitude, tout le moins de dégagement – dont le travail ne serait rien d’autre que le catalyseur.
Et c’est ainsi que sont à nouveau sorties de l’atelier de la rue Nau, dans le 5 ème arrondissement de Marseille, de grandes compositions métalliques. Chacune d’elle est monochrome : jaune, rouge, beige ou noire, et brille comme un habile rapiéçage de carrosseries. L’artiste explique avoir eu en tête des drapeaux, dont ces pièces seraient en quelques sortes l’expression minimale, au moment de leur exécution. Mais ici encore, suivant l’orientation qui fut la sienne ces dernières mois, plus de signes ou de juxtapositions de couleurs qui donneraient à ces bannières rigides une quelconque origine : elles restent orphelines de sens et d’appartenance, occupant les murs de la galerie tel un paysage rendu à sa plus simple apparition. On pensera alors, et une fois de plus, face à cette « couture » de bidons déroulés – comme se plait à la qualifier Kevin Rouillard – aux artistes appartenant de près ou de loin à la Color Field painting – Mark Rothko et Ellsworth Kelly en tête. Cependant, ces surfaces abstraites portent toujours en elles les stigmates de cette intense proximité qui lie l’artiste à son matériau. Rejetant un certain idéalisme formel propre à ces peintres au profit de la présence troublante, vibrante presque, du métal transformé, Kevin Rouillard fait surgir du monde industriel la part contemplative qu’on lui aurait ignoré.
Franck Balland