Frac des Pays de la Loire

Animaux/Animots

10 Jun - 25 Sep 2011

Oleg Kulik
Wife, 1995. (détail)
Œuvre de la collection du Frac des Pays de la Loire.
ANIMAUX/ANIMOTS
du 10.06 au 25.09.2011

Miquel Barceló, Marie José Burki*, Gregory Crewdson, Simone Decker, Marie Denis, Daniel Dewar & Grégory Gicquel, Erik Dietman, Aurélien Froment, Toni Grand, Trixi Groiss, Diango Hernandez, Peter Kogler, Oleg Kulik, Joyce Pensato, Xavier Veilhan.
Œuvres de la collection du Frac des Pays de la Loire et du CNAP*

Le Frac des Pays de la Loire présente du 10 juin au 25 septembre 2011 une exposition des œuvres de sa collection autour du thème du langage.

Le titre de l’exposition au Frac s’inspire du travail de Marie José Burki pour qui le passage des mots aux images ou des images aux mots est un jeu et précisément un enjeu pour appréhender l’art.

Les jeux d’écarts entre langage et image invitent le spectateur à voir et à trouver son espace pour penser, ressentir, refléter l’autre, humain, animal, végétal ou paysage.

Pour la première fois depuis sa production, cette exposition permet de montrer une œuvre d’Olek Kulik intitulée Tolstoï et les poules, réalisée lors des 14e Ateliers Internationaux du Frac à Saint-Nazaire en 1998. Des œuvres imposantes comme la vidéo de Peter Kogler ou marquantes comme les séries de dessins de Trixi Groiss seront aussi exposées.

« Sous sa forme première, quand il fut donné aux hommes par Dieu lui-même, le langage était un signe des choses absolument certain et transparent, parce qu’il leur ressemblait. Les noms étaient déposés sur ce qu’ils désignaient, comme la force est écrite dans le corps du lion, la royauté dans le regard de l’aigle, comme l’influence des planètes est marquée sur le front des hommes : par la forme de la similitude. Cette transparence fut détruite à Babel pour la punition des hommes. Les langues ne furent séparées les unes des autres et ne devinrent incompatibles que dans la mesure où fut effacée d’abord cette ressemblance aux choses qui avait été la première raison d’être du langage. » Michel Foucault, Les mots et les choses, 1966.

En effet, on raconte que depuis le « Châtiment de Babel », le langage parfait et universel a disparu, « cette langue commune à Dieu, à Adam et aux animaux de la première terre », et que depuis pour se comprendre les hommes sont condamnés à la traduction. Et il en est de même pour le monde animal dont l’homme étudie le comportement comme un langage qu’il tente de déchiffrer : « Le travail des scientifiques qui explorent le monde des animaux est un travail de traduction. Il s’agit bien de traduire ce que signifie dans un monde afin de rendre, dans un autre monde, cette signification lisible. » Se comprendre passe par le langage, s’apprivoiser aussi.

Le titre de l’exposition Animaux-Animots s’inspire du travail de Marie José Burki qui s’intéresse aux rapports entre les mots et les images. L’œuvre présentée ici intitulée Vidéaux, expression 2 : Chien, vache réalisée en 1992 est composée de deux projections vidéos, un homme d’un côté, une femme de l’autre, qui se crient des noms d’animaux. Cette installation est issue d’une série de « Vidéaux » dans lesquelles « La présence récurrente des animaux est très clairement articulée ; il y a les images d’animaux, et les noms d’animaux, qui sont aussi, à leur manière, des images. De l’image au mot, c’est l’éventail des rapports ambigus que nous entretenons avec les animaux qui est représenté : de l’incompréhension totale à la sensiblerie la plus stupide. Par extension, c’est le rapport que nous entretenons avec notre propre recherche d’identité humaine qui se joue. »

En effet de tout temps, l’animal permet à l’homme de se définir en tant qu’être humain. L’homme affronte l’animal pour sa survie et son honneur. Mais cette relation duelle, cette quête de domination de l’animal est quelquefois utilisée comme métaphore d’un combat intérieur. Le peintre et son chien de Miquel Barceló illustre un face à face : le créateur face à sa toile et à ses démons. L’animal situé en dessous de la figure humaine est une ombre, un double au format démesuré au regard de la taille du peintre, un monstre à la mâchoire menaçante. C’est dans le comportement rageur que se lie toute la cruauté de l’animal, comportement qui est - par essence - un des éléments du langage de l’animal. Le format monumental et le clair-obscur accentuent cette tension.

Si l’animal sert à Miquel Barceló à représenter l’action de peindre comme un combat, une manière de révéler sa part d’ombre, Gregory Crewdson met en scène le monde des bêtes pour mieux révéler la nature humaine. A la manière de Jean de la Fontaine, il fait porter aux animaux (ceux qu’il utilise sont empaillés) nos propres travers. Attaché à dépeindre la société moyenne américaine, il brosse un monde inquiétant, crépusculaire et théâtralisé des banlieues pavillonnaires.

La mise en scène chez Gregory Crewdson passe par une tentative de reconstruction d’un décor qui se voulant artificiel reste vraisemblable. Que ce soit chez Marie Denis, Peter Kogler, Joyce Pensato ou Toni Grand, les animaux utilisés le sont en tant que motif, et tout contexte a disparu.

Dans l’installation de Peter Kogler, des fourmis démesurées modélisées par ordinateur sont vidéoprojetées sur 4 grands écrans. « Avec les fourmis et les tuyaux, métaphores du social et des réseaux dans lesquels celui-ci semble aujourd’hui s’abîmer complètement, Peter Kogler définit également des motifs simples ou évolutifs qui lui permettent de saturer l’espace qui sert de support à ses interventions. La dimension obsédante de ces figures, soulignée par le son de Pomasel, leur caractère répétitif ou labyrinthique, les connotations archaïques qu’elle peuvent susciter, expliquent aussi la facilité avec laquelle elles peuvent réactualiser des contenus psychiques – ce qui n’est peut-être pas innocent si on se rappelle que c’est à Vienne au début du siècle, dans le contexte qui a vu l’invention de la psychanalyse, que la question de l’ornement a été posée avec le plus d’acuité et de violence. »

Chez Oleg Kulik la figure animale sert à dénoncer notre vision anthropocentrique. La série photographique dans laquelle l’artiste et sa famille posent nus dans des champs aux côtés d’animaux domestiques, annulent toute possibilité de domination. L’homme et l’animal se retrouvent à égalité et la relation à la nature vierge qui les entoure nous replace dans une époque pré-moderne. Pour la première fois depuis sa production, cette exposition permet de remontrer une œuvre du même artiste réalisée lors des 14ème Ateliers Internationaux du Frac à Saint-Nazaire en 1998. Au centre d’un poulailler, un personnage assis derrière un bureau est en train d’écrire. Dans la partie supérieure de la structure se nichent des poules, qui recouvrent cette statue de cire de fientes au fur et à mesure de sa présentation. Intitulée Tolstoï et les poules, l’œuvre d’Oleg Kulik vient bousculer la pratique habituelle de vénération des maîtres du passé. Le grand écrivain respecté, Tolstoï souillé par les animaux, devient ici « l’emblème passéiste et désuet d’une culture nationale et littéraire hégémonique. » Oleg Kulik parvient ici encore à renverser le rapport de force.

Les connaissances scientifiques de l’animal nées de l’observation n’annulent en rien la ténacité des mythes et légendes attachées depuis des millénaires aux animaux. Les abysses peuplées d’animaux marins gigantesques et pourtant invisibles nourrissent l’imaginaire de tous les temps. Cette fascination peut se lire au travers de la photographie de Simone Decker Jérémy dans laquelle un poulpe géant trône au milieu d’une galerie, ou encore au travers du film Pulmo Marina d’Aurélien Froment. Chez Simone Decker c’est l’usage de jeux d’optique qui donne à ces objets ou ici à cet animal cette sur-dimension. En résulte une image qui oscille entre séduction et répulsion. Le film d’Aurélien Froment ménage un effet similaire. Une image d’un bleu profond dans lequel une gracieuse et légère méduse se déploie et nous hypnotise. Un commentaire récité d’une voix neutre décrit les caractéristiques de l’animal et du milieu dans lequel elle est filmée : un aquarium, celui de Monterey Bay en Californie. Le narrateur explique que beaucoup de mystères subsistent quant aux caractéristiques de cette méduse et que tout ce que l’on en sait a été appris de son observation dans des aquariums. « Le but de la connaissance est de dépouiller le monde objectif de son étrangeté, et de faire que nous nous y sentions plus chez nous ». William James (p 44)
 

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