Riccardo Giacconi
13 Oct - 23 Dec 2017
RICCARDO GIACCONI
The Variational Status
13 October – 23 December 2017
Commissaires de l’exposition : Emanuele Guidi & Antoine Marchand
Riccardo Giacconi appartient à cette génération d’artistes italiens aujourd'hui âgés d'une trentaine d'années, qui, après des années de retrait et de véritable amnésie, se sont emparés de l’histoire de l'Italie. C’est toutefois une histoire sans nostalgie, relue non pas à travers l’esthétique de l’archive, mais qui en fait, au même titre que la mémoire ou le document, un dispositif pour interpréter le présent. Ses recherches se concentrent sur le langage et la narration comme formes de résistance ou d'appartenance à un contexte sociopolitique. Il s'intéresse tout particulièrement aux relations possibles entre littérature et arts visuels, transposant des compositions poétiques ou narratives en installations environnementales, vidéos et performances.
REZ-DE-CHAUSSÉE
L’exposition de Riccardo Giacconi au FRAC Champagne-Ardenne, intitulée The Variational Status, se compose de deux installations distinctes. La première, qui donne son titre à l’exposition, a été coproduite avec ar/ge kunst, à Bolzano (exposition à l’hiver 2016), et Centrale Fies, à Dro (performance en juillet 2017), deux institutions basées en Italie. Avec ce projet, Riccardo Giacconi s’intéresse à la relation entre une variété de formes narratives (marionnettes, conteurs de rue, dépliants et brochures) et une série d'actes de révolte pré-politiques survenus entre l'Italie et l'Amérique du Sud. En partant de l'intérêt de Riccardo Giacconi pour la tradition comme « acte de transmission », The Variational Status évoque une constellation narrative entre animation, suggestion, révolte et oralité.
L’installation se développe autour de l’« Espiritado », un personnage de marionnettes colombien, probablement inspiré par le meurtre d'un policier lors d'une fête de village. L’« Espiritado » fait également écho à l’histoire du soldat Augusto Masetti, qui, en 1911 à Bologne, tira sur son commandant en un acte d'insubordination contre la guerre coloniale italienne en Libye. Les deux personnages partagent l'amnésie totale de leur acte de révolte, exécuté en état de transe ou de somnambulisme. Dans le cas de Masetti, cette circonstance l'a transformé en symbole du mouvement anarchiste à travers le monde, qui s’est manifesté pour prendre sa défense ; dans le cas de l’« Espiritado », c’est devenu un trait de caractère d'une marionnette.
Pensée comme la déconstruction d'un spectacle de marionnettes, cette installation est constituée d'une marionnette automatisée, d’un rideau en plastique qui fonctionne comme un storyboard et d’une série d’affiches inspirées du spectacle de marionnettes colombien El Diablo en el pozo, réalisées à l'aide d'une machine à imprimer typographique du 19ème siècle à Cali.
En réunissant des documents d'archives, des témoignages oraux et des scripts de théâtre, Riccardo Giacconi entretient les vicissitudes réelles et fictives des deux personnages, afin de remettre en question le statut de ces documents, qui ne reposent pas sur des supports stables et certifiés, mais qui peuvent exister uniquement sous la forme de « variations ».
PREMIER ÉTAGE
La seconde installation, Ekphrasis (2017), produite spécifiquement pour l’exposition au FRAC Champagne-Ardenne, revient sur l’histoire d’Alberto Camerini, chanteur-compositeur italien né en 1951, extrêmement populaire au début des années 1980. À travers la figure de cet artiste excentrique, c’est tout un pan de l’histoire italienne récente qui est ici évoqué. Par le biais notamment d’objets et d’extraits audio et vidéo, cette installation revient sur sa carrière, ses influences, ses références, mais également sur les anecdotes liées à son succès et son déclin, son intérêt pour l'histoire de l'art, le théâtre et son activisme dans la gauche radicale à Milan durant les années 1970. Le personnage construit par Alberto Camerini, qui l'a rendu célèbre, est une sorte d'Arlequin électronique, avec lequel il évoque la tradition italienne du théâtre de la Commedia dell'Arte (dont il est un fin connaisseur), en la combinant avec l’énergie politique du punk européen et l'impact mondial du champ émergent de la robotique — Rock ‘n’ roll Robot, écrite en 1981, reste sa chanson la plus célèbre.
L’installation développée au FRAC Champagne-Ardenne tente de sonder l'hypothèse d'une résonance possible, à la fois formelle et allégorique, entre la carrière artistique du chanteur et le « riflusso » (reflux) des idéologies en Italie dans les années 1980, en présentant le premier phénomène en écho au second. La trajectoire artistique d’Alberto Camerini est en effet tout à fait singulière dans le paysage culturel italien de la seconde moitié du 20e siècle : l’étudier peut aider à « brosser à rebrousse-poil » – selon la terminologie de Walter Benjamin – l'histoire de l'Italie dans les années 1980. À travers sa figure, nous pouvons saisir le croisement entre l'avènement de la technologie informatique, la diffusion de la notion de postmodernisme et le « reflux » idéologique. Si, en Italie, la plupart des chanteurs « engagés » des années 1960 et 1970 ont été reconnus à titre posthume et leurs « hagiographies » détaillées, Alberto Camerini est toujours resté une figure trop particulière pour être insérée dans un discours populiste, toujours mal à l'aise dans les talk-shows télévisés et trop marginal même pour les « revivals 80’s » d’aujourd’hui. La catégorie même de « chanteur » semble mal correspondre à cet homme que l’on devrait plutôt considérer comme l'un des précurseurs de la musique électronique en Italie.
L'exposition est accompagnée par une publication consacrée au projet The Variational Status, coéditée par le FRAC Champagne-Ardenne, ar/ge kunst à Bolzano et Humboldt Books à Milan (avec des textes d’Andrea Cavalletti, Riccardo Giacconi, Frans-Willem Korsten, Andrea Morbio et un entretien avec l'artiste conduit par Emanuele Guidi et Antoine Marchand).
Riccardo Giacconi (né en 1985 à San Severino Marche, Italie) a étudié à l’Université IUAV de Venise, à l’UWE de Bristol et à la New York University. Son travail a été présenté dans de nombreuses institutions à travers le monde, telles que la WUK Kunsthalle Exnergasse à Vienne (Autriche) en 2016, la Fondazione Sandretto Re Rebaudengo à Turin (Italie) en 2015, Tranzitdisplay à Prague (République Tchèque) en 2014, et dans la section Résonance de la Biennale de Lyon en 2011.
The Variational Status
13 October – 23 December 2017
Commissaires de l’exposition : Emanuele Guidi & Antoine Marchand
Riccardo Giacconi appartient à cette génération d’artistes italiens aujourd'hui âgés d'une trentaine d'années, qui, après des années de retrait et de véritable amnésie, se sont emparés de l’histoire de l'Italie. C’est toutefois une histoire sans nostalgie, relue non pas à travers l’esthétique de l’archive, mais qui en fait, au même titre que la mémoire ou le document, un dispositif pour interpréter le présent. Ses recherches se concentrent sur le langage et la narration comme formes de résistance ou d'appartenance à un contexte sociopolitique. Il s'intéresse tout particulièrement aux relations possibles entre littérature et arts visuels, transposant des compositions poétiques ou narratives en installations environnementales, vidéos et performances.
REZ-DE-CHAUSSÉE
L’exposition de Riccardo Giacconi au FRAC Champagne-Ardenne, intitulée The Variational Status, se compose de deux installations distinctes. La première, qui donne son titre à l’exposition, a été coproduite avec ar/ge kunst, à Bolzano (exposition à l’hiver 2016), et Centrale Fies, à Dro (performance en juillet 2017), deux institutions basées en Italie. Avec ce projet, Riccardo Giacconi s’intéresse à la relation entre une variété de formes narratives (marionnettes, conteurs de rue, dépliants et brochures) et une série d'actes de révolte pré-politiques survenus entre l'Italie et l'Amérique du Sud. En partant de l'intérêt de Riccardo Giacconi pour la tradition comme « acte de transmission », The Variational Status évoque une constellation narrative entre animation, suggestion, révolte et oralité.
L’installation se développe autour de l’« Espiritado », un personnage de marionnettes colombien, probablement inspiré par le meurtre d'un policier lors d'une fête de village. L’« Espiritado » fait également écho à l’histoire du soldat Augusto Masetti, qui, en 1911 à Bologne, tira sur son commandant en un acte d'insubordination contre la guerre coloniale italienne en Libye. Les deux personnages partagent l'amnésie totale de leur acte de révolte, exécuté en état de transe ou de somnambulisme. Dans le cas de Masetti, cette circonstance l'a transformé en symbole du mouvement anarchiste à travers le monde, qui s’est manifesté pour prendre sa défense ; dans le cas de l’« Espiritado », c’est devenu un trait de caractère d'une marionnette.
Pensée comme la déconstruction d'un spectacle de marionnettes, cette installation est constituée d'une marionnette automatisée, d’un rideau en plastique qui fonctionne comme un storyboard et d’une série d’affiches inspirées du spectacle de marionnettes colombien El Diablo en el pozo, réalisées à l'aide d'une machine à imprimer typographique du 19ème siècle à Cali.
En réunissant des documents d'archives, des témoignages oraux et des scripts de théâtre, Riccardo Giacconi entretient les vicissitudes réelles et fictives des deux personnages, afin de remettre en question le statut de ces documents, qui ne reposent pas sur des supports stables et certifiés, mais qui peuvent exister uniquement sous la forme de « variations ».
PREMIER ÉTAGE
La seconde installation, Ekphrasis (2017), produite spécifiquement pour l’exposition au FRAC Champagne-Ardenne, revient sur l’histoire d’Alberto Camerini, chanteur-compositeur italien né en 1951, extrêmement populaire au début des années 1980. À travers la figure de cet artiste excentrique, c’est tout un pan de l’histoire italienne récente qui est ici évoqué. Par le biais notamment d’objets et d’extraits audio et vidéo, cette installation revient sur sa carrière, ses influences, ses références, mais également sur les anecdotes liées à son succès et son déclin, son intérêt pour l'histoire de l'art, le théâtre et son activisme dans la gauche radicale à Milan durant les années 1970. Le personnage construit par Alberto Camerini, qui l'a rendu célèbre, est une sorte d'Arlequin électronique, avec lequel il évoque la tradition italienne du théâtre de la Commedia dell'Arte (dont il est un fin connaisseur), en la combinant avec l’énergie politique du punk européen et l'impact mondial du champ émergent de la robotique — Rock ‘n’ roll Robot, écrite en 1981, reste sa chanson la plus célèbre.
L’installation développée au FRAC Champagne-Ardenne tente de sonder l'hypothèse d'une résonance possible, à la fois formelle et allégorique, entre la carrière artistique du chanteur et le « riflusso » (reflux) des idéologies en Italie dans les années 1980, en présentant le premier phénomène en écho au second. La trajectoire artistique d’Alberto Camerini est en effet tout à fait singulière dans le paysage culturel italien de la seconde moitié du 20e siècle : l’étudier peut aider à « brosser à rebrousse-poil » – selon la terminologie de Walter Benjamin – l'histoire de l'Italie dans les années 1980. À travers sa figure, nous pouvons saisir le croisement entre l'avènement de la technologie informatique, la diffusion de la notion de postmodernisme et le « reflux » idéologique. Si, en Italie, la plupart des chanteurs « engagés » des années 1960 et 1970 ont été reconnus à titre posthume et leurs « hagiographies » détaillées, Alberto Camerini est toujours resté une figure trop particulière pour être insérée dans un discours populiste, toujours mal à l'aise dans les talk-shows télévisés et trop marginal même pour les « revivals 80’s » d’aujourd’hui. La catégorie même de « chanteur » semble mal correspondre à cet homme que l’on devrait plutôt considérer comme l'un des précurseurs de la musique électronique en Italie.
L'exposition est accompagnée par une publication consacrée au projet The Variational Status, coéditée par le FRAC Champagne-Ardenne, ar/ge kunst à Bolzano et Humboldt Books à Milan (avec des textes d’Andrea Cavalletti, Riccardo Giacconi, Frans-Willem Korsten, Andrea Morbio et un entretien avec l'artiste conduit par Emanuele Guidi et Antoine Marchand).
Riccardo Giacconi (né en 1985 à San Severino Marche, Italie) a étudié à l’Université IUAV de Venise, à l’UWE de Bristol et à la New York University. Son travail a été présenté dans de nombreuses institutions à travers le monde, telles que la WUK Kunsthalle Exnergasse à Vienne (Autriche) en 2016, la Fondazione Sandretto Re Rebaudengo à Turin (Italie) en 2015, Tranzitdisplay à Prague (République Tchèque) en 2014, et dans la section Résonance de la Biennale de Lyon en 2011.