Audrey Nervi
19 Nov - 24 Dec 2011
AUDREY NERVI
Mov...vie
19 novembre au 24 décembre, 2011
Souvent, Audrey Nervi évoque la notion de hors-champ : pour désigner le statut des lieux, des moments et des personnes qui forment les sujets de sa peinture et sur lesquels, dit-elle, elle zoome, quand la société, elle, entend s’en protéger en les cantonnant dans ses marges, toujours plus réduites et contrôlées. Mais ce hors-champ caractérise aussi bien la position paradoxale qu’en tant que peintre, elle adopte à l’égard de scènes qu’elle a non seulement vues, mais encore intensément vécues et auxquelles, de la photographie saisie sur le vif au tableau minutieusement peint, elle redonne chair, tout en les transformant en symboles tant des vies particulières qui s’y croisent, que de la vie en général, dans le monde, éminemment violent, de ce début du XXIe siècle. Autant que par le choix de ses images, marqué par son sens aiguisé de la composition et du détail insolite, c’est par son travail de la couleur (saturée), de la lumière (artificielle) et de la touche (toujours plus moelleuse) que s’opère le passage vers la peinture de ces sujets qui ont plus communément les faveurs des médias et auxquels l’on pourrait croire la photographie et la vidéo plus adaptées, car plus directes.
Ce qui pourrait autrement rester dans le champ du reportage, du carnet de voyage ou de l’album-souvenir acquiert, dans ce patient report exécuté à la main, une charge esthétique et poétique indéniable : si l’œil est ici évidemment photographique – en témoignent les nombreuses indications de mouvements rapides, impulsifs, suspendus, mais aussi les cadrages, les angles de vue, les regards, les postures, voire les situations elles-mêmes qui comme appellent la photographie – , les effets recherchés par le peintre ne vont nullement dans le sens de la précision documentaire. Dans ce dernier ensemble en date, les fonds souvent s’estompent, perdus dans le lointain ou dans l’obscurité ; ou bien ils deviennent compositions abstraites, assemblages de formes et de couleurs. Et le flou qu’Audrey Nervi a toujours recherché pour fondre les figures dans l’espace qui les accueille de se propager à l’ensemble des œuvres qui ainsi parfois atteignent, aussi surprenant que cela puisse paraître, à une forme d’atomisation qui n’est pas sans évoquer telles facettes de l’impressionnisme ou du néoimpressionnisme. Parfois, l’on pourrait même se croire devant des pastels ou des fusains, tant le peintre a mis du grain dans le traitement qu’elle fait subir aux images.
Un dernier trait s’accuse dans cette troisième exposition personnelle d’Audrey Nervi à la galerie : si elle a toujours pensé ses tableaux en séquences, elle regarde dans cet accrochage plus ouvertement encore du côté du cinéma – le titre et la scénographie choisis sont sur ce point des plus éloquents. C’est en effet à un véritable travail de montage qu’elle s’est ici livrée, composant à partir de moments saisis de par le monde (du Maroc à la Tchéquie, en passant par Berlin où elle réside actuellement) une histoire en vingt-six actes. Vingt-six actes, comme autant de tableaux qui contiennent, chacun, un acte d’une histoire individuelle. Les titres – inscrits sur les tranches, dans la couleur qui domine le tableau précédent, pour mieux en marquer les enchaînements –indiquent les chapitres, quand ils ne livrent pas des bribes de dialogues. De cette stèle-petite annonce sentimentale à ce cadre doré filant dans la nuit, telle est l’histoire qu’Audrey Nervi a choisi d’écrire aujourd’hui en images : une histoire portée par des individus et par le groupe, auquel elle semble croire encore ; une histoire qui se joue dans les franges limitrophes et indéfinies de notre monde urbanisé à outrance, mais où la nature ne demande qu’à reprendre pied ;une histoire de notre temps, universelle et ouverte, dont chacun de nous peut (doit ?) écrire à son tour un acte.
Guitemie Maldonado
Mov...vie
19 novembre au 24 décembre, 2011
Souvent, Audrey Nervi évoque la notion de hors-champ : pour désigner le statut des lieux, des moments et des personnes qui forment les sujets de sa peinture et sur lesquels, dit-elle, elle zoome, quand la société, elle, entend s’en protéger en les cantonnant dans ses marges, toujours plus réduites et contrôlées. Mais ce hors-champ caractérise aussi bien la position paradoxale qu’en tant que peintre, elle adopte à l’égard de scènes qu’elle a non seulement vues, mais encore intensément vécues et auxquelles, de la photographie saisie sur le vif au tableau minutieusement peint, elle redonne chair, tout en les transformant en symboles tant des vies particulières qui s’y croisent, que de la vie en général, dans le monde, éminemment violent, de ce début du XXIe siècle. Autant que par le choix de ses images, marqué par son sens aiguisé de la composition et du détail insolite, c’est par son travail de la couleur (saturée), de la lumière (artificielle) et de la touche (toujours plus moelleuse) que s’opère le passage vers la peinture de ces sujets qui ont plus communément les faveurs des médias et auxquels l’on pourrait croire la photographie et la vidéo plus adaptées, car plus directes.
Ce qui pourrait autrement rester dans le champ du reportage, du carnet de voyage ou de l’album-souvenir acquiert, dans ce patient report exécuté à la main, une charge esthétique et poétique indéniable : si l’œil est ici évidemment photographique – en témoignent les nombreuses indications de mouvements rapides, impulsifs, suspendus, mais aussi les cadrages, les angles de vue, les regards, les postures, voire les situations elles-mêmes qui comme appellent la photographie – , les effets recherchés par le peintre ne vont nullement dans le sens de la précision documentaire. Dans ce dernier ensemble en date, les fonds souvent s’estompent, perdus dans le lointain ou dans l’obscurité ; ou bien ils deviennent compositions abstraites, assemblages de formes et de couleurs. Et le flou qu’Audrey Nervi a toujours recherché pour fondre les figures dans l’espace qui les accueille de se propager à l’ensemble des œuvres qui ainsi parfois atteignent, aussi surprenant que cela puisse paraître, à une forme d’atomisation qui n’est pas sans évoquer telles facettes de l’impressionnisme ou du néoimpressionnisme. Parfois, l’on pourrait même se croire devant des pastels ou des fusains, tant le peintre a mis du grain dans le traitement qu’elle fait subir aux images.
Un dernier trait s’accuse dans cette troisième exposition personnelle d’Audrey Nervi à la galerie : si elle a toujours pensé ses tableaux en séquences, elle regarde dans cet accrochage plus ouvertement encore du côté du cinéma – le titre et la scénographie choisis sont sur ce point des plus éloquents. C’est en effet à un véritable travail de montage qu’elle s’est ici livrée, composant à partir de moments saisis de par le monde (du Maroc à la Tchéquie, en passant par Berlin où elle réside actuellement) une histoire en vingt-six actes. Vingt-six actes, comme autant de tableaux qui contiennent, chacun, un acte d’une histoire individuelle. Les titres – inscrits sur les tranches, dans la couleur qui domine le tableau précédent, pour mieux en marquer les enchaînements –indiquent les chapitres, quand ils ne livrent pas des bribes de dialogues. De cette stèle-petite annonce sentimentale à ce cadre doré filant dans la nuit, telle est l’histoire qu’Audrey Nervi a choisi d’écrire aujourd’hui en images : une histoire portée par des individus et par le groupe, auquel elle semble croire encore ; une histoire qui se joue dans les franges limitrophes et indéfinies de notre monde urbanisé à outrance, mais où la nature ne demande qu’à reprendre pied ;une histoire de notre temps, universelle et ouverte, dont chacun de nous peut (doit ?) écrire à son tour un acte.
Guitemie Maldonado