Yann Serandour
07 May - 18 Jun 2011
YANN SÉRANDOUR
7 mai - 18 juin 2011
Le travail d'un historien pourrait être de combler des lacunes, de donner un sens à une suite d'événements à partir de sources documentaires exhumées et de construire, tel un romancier, une intrigue pour nous raconter une histoire qui a réellement eu lieu. Le travail de Yann Sérandour pourrait s'apparenter à celui de cet historien. À partir des artefacts empruntés à des prédécesseurs, des accidents et hasards susceptibles de survenir, il mène des enquêtes, indexe des manques, sème le trouble et prolonge des histoires.
Le travail de Yann Sérandour s’est souvent référé à l’art conceptuel des années 1960 et 1970, période qui le touche particulièrement car abondamment diffusée sous la forme de publications et d’imprimés – sa matière de prédilection. Dans sa nouvelle exposition à gb agency, il déplace librement son attention vers d'autres champs et époques plus lointaines, renforçant l'écart temporel avec notre contemporanéité.
Sur l’un des murs de la première salle de la galerie est présentée World Mirrors (2011), une série d’impressions sur aluminium reproduisant des photographies en noir et blanc de miroirs de styles et de périodes diverses (Louis XV, Queen Ann, Georges III, Fédéral, Néoclassique, Empire, etc.) prélevées dans un ouvrage de référence publié par Sotheby’s. Ce catalogue témoigne de la circulation des objets d’art à travers le temps, sans cesse collectés et redispersés. Les illustrations qui en proviennent ont été agrandies à la taille des miroirs originaux. Reprenant le principe de mise en pages des planches du livre, leur accrochage serré évoque les Salons de peinture du XIXe siècle. Les miroirs originellement photographiés se caractérisent par l’absence d’images réfléchies au sein de leurs cadres. Un gris nuageux se substitue en effet au reflet du décor dans lequel ces miroirs furent initialement photographiés. Cet espace abstrait forme une surface dans laquelle il n’est pas possible de se réfléchir, tant le regard porté sur la trame des images se brouille à mesure que l’on s’en approche.
Dans Yucatan Mirror Displacements (1-9), 2008, Yann Sérandour mettait déjà en jeu ces superpositions temporelles à travers des découpages réalisés dans neufs reproductions des photographies de Robert Smithson documentant les déplacements d’une série de miroirs dans les paysages du Yucatan. À partir des reproductions imprimées dans un catalogue, il avait découpé les images des miroirs pour laisser apparaître dans les vides un véritable miroir réfléchissant le lieu dans lequel ces découpages sont exposés.
Ces jeux de réflexion sont analogues à un acte de lecture, dans ce va-et-vient incessant entre une inscription passée et un contexte présent ; une interaction entre ce que le miroir a déjà réfléchi sans en conserver la trace et le regard d’un spectateur contemporain qui, en s’y reflétant, plonge simultanément son regard dans une sorte d’abîme temporel.
Dans le second espace de la galerie, Yann Sérandour déplace depuis le Domaine de Chamarande une copie de la Madeleine pénitente du sculpteur néoclassique italien Antonio Canova. Parallèlement, il y présente l’installation Madeleine pénitente (2011). Celle-ci est composée d’un panneau photographié et de fragments sculptés rassemblés sur un socle.
L’ancien panneau endommagé par les intempéries que Yann Sérandour a trouvé aux abords de l’îlot où se trouve la sculpture indique :
« La Madeleine pénitente a été déplacée des communs du château et installée sur l’île par Gino Silvestri, gendre d’Auguste Mione à la fin des années 1950. Une hypothèse a été émise par Clario Di Fabio, directeur du Museo di Sant'Agostino à Gènes, pour dater cette Madeleine pénitente. En effet l'original de Canova a été exposé à Paris au Salon de 1808. Mais à son arrivée d'Italie, une restauration a été nécessaire car le transport avait endommagé la statue et ses doigts étaient brisés, tout comme sont ceux de la copie. Cette dernière a donc dû être réalisée à partir du modèle non restauré de l'œuvre de Canova à Paris, en 1808. »
En regard de cette hypothèse aussi intrigante que douteuse, Yann Sérandour prolonge l’histoire des déplacements et infortunes de la Madeleine en demandant à un restaurateur de sculpter les parties manquantes de la statue qu’il présente à la manière d’un jet de dés.
Enfin, l’espace de la galerie est traversé par l’installation Un temps nuageux avec la possibilité d’un rayon de soleil (2011). Provenant d’un rayon solaire capturé depuis l’extérieur, la lumière est réfléchie et détournée vers le fond de la galerie. L’atmosphère de récollection dans lequel l’espace est plongé est potentiellement et périodiquement réveillée par un éclat lumineux qui le traverse, comme un événement fortuit qui trouble soudainement le cours des choses. Cette installation est peut-être à l’image de la démarche de Yann Sérandour qui dévie les sources dont il fait usage pour les faire cheminer ailleurs et autrement.
7 mai - 18 juin 2011
Le travail d'un historien pourrait être de combler des lacunes, de donner un sens à une suite d'événements à partir de sources documentaires exhumées et de construire, tel un romancier, une intrigue pour nous raconter une histoire qui a réellement eu lieu. Le travail de Yann Sérandour pourrait s'apparenter à celui de cet historien. À partir des artefacts empruntés à des prédécesseurs, des accidents et hasards susceptibles de survenir, il mène des enquêtes, indexe des manques, sème le trouble et prolonge des histoires.
Le travail de Yann Sérandour s’est souvent référé à l’art conceptuel des années 1960 et 1970, période qui le touche particulièrement car abondamment diffusée sous la forme de publications et d’imprimés – sa matière de prédilection. Dans sa nouvelle exposition à gb agency, il déplace librement son attention vers d'autres champs et époques plus lointaines, renforçant l'écart temporel avec notre contemporanéité.
Sur l’un des murs de la première salle de la galerie est présentée World Mirrors (2011), une série d’impressions sur aluminium reproduisant des photographies en noir et blanc de miroirs de styles et de périodes diverses (Louis XV, Queen Ann, Georges III, Fédéral, Néoclassique, Empire, etc.) prélevées dans un ouvrage de référence publié par Sotheby’s. Ce catalogue témoigne de la circulation des objets d’art à travers le temps, sans cesse collectés et redispersés. Les illustrations qui en proviennent ont été agrandies à la taille des miroirs originaux. Reprenant le principe de mise en pages des planches du livre, leur accrochage serré évoque les Salons de peinture du XIXe siècle. Les miroirs originellement photographiés se caractérisent par l’absence d’images réfléchies au sein de leurs cadres. Un gris nuageux se substitue en effet au reflet du décor dans lequel ces miroirs furent initialement photographiés. Cet espace abstrait forme une surface dans laquelle il n’est pas possible de se réfléchir, tant le regard porté sur la trame des images se brouille à mesure que l’on s’en approche.
Dans Yucatan Mirror Displacements (1-9), 2008, Yann Sérandour mettait déjà en jeu ces superpositions temporelles à travers des découpages réalisés dans neufs reproductions des photographies de Robert Smithson documentant les déplacements d’une série de miroirs dans les paysages du Yucatan. À partir des reproductions imprimées dans un catalogue, il avait découpé les images des miroirs pour laisser apparaître dans les vides un véritable miroir réfléchissant le lieu dans lequel ces découpages sont exposés.
Ces jeux de réflexion sont analogues à un acte de lecture, dans ce va-et-vient incessant entre une inscription passée et un contexte présent ; une interaction entre ce que le miroir a déjà réfléchi sans en conserver la trace et le regard d’un spectateur contemporain qui, en s’y reflétant, plonge simultanément son regard dans une sorte d’abîme temporel.
Dans le second espace de la galerie, Yann Sérandour déplace depuis le Domaine de Chamarande une copie de la Madeleine pénitente du sculpteur néoclassique italien Antonio Canova. Parallèlement, il y présente l’installation Madeleine pénitente (2011). Celle-ci est composée d’un panneau photographié et de fragments sculptés rassemblés sur un socle.
L’ancien panneau endommagé par les intempéries que Yann Sérandour a trouvé aux abords de l’îlot où se trouve la sculpture indique :
« La Madeleine pénitente a été déplacée des communs du château et installée sur l’île par Gino Silvestri, gendre d’Auguste Mione à la fin des années 1950. Une hypothèse a été émise par Clario Di Fabio, directeur du Museo di Sant'Agostino à Gènes, pour dater cette Madeleine pénitente. En effet l'original de Canova a été exposé à Paris au Salon de 1808. Mais à son arrivée d'Italie, une restauration a été nécessaire car le transport avait endommagé la statue et ses doigts étaient brisés, tout comme sont ceux de la copie. Cette dernière a donc dû être réalisée à partir du modèle non restauré de l'œuvre de Canova à Paris, en 1808. »
En regard de cette hypothèse aussi intrigante que douteuse, Yann Sérandour prolonge l’histoire des déplacements et infortunes de la Madeleine en demandant à un restaurateur de sculpter les parties manquantes de la statue qu’il présente à la manière d’un jet de dés.
Enfin, l’espace de la galerie est traversé par l’installation Un temps nuageux avec la possibilité d’un rayon de soleil (2011). Provenant d’un rayon solaire capturé depuis l’extérieur, la lumière est réfléchie et détournée vers le fond de la galerie. L’atmosphère de récollection dans lequel l’espace est plongé est potentiellement et périodiquement réveillée par un éclat lumineux qui le traverse, comme un événement fortuit qui trouble soudainement le cours des choses. Cette installation est peut-être à l’image de la démarche de Yann Sérandour qui dévie les sources dont il fait usage pour les faire cheminer ailleurs et autrement.