Jousse Entreprise

Franck Perrin

04 - 29 Sep 2010

© Franck Perrin
Ruins #02 (Postcapitalism Section 01)
FRANCK PERRIN
Buildings, Ruins & Money
4 - 29 September, 2010

Frank Perrin montre deux nouvelles sections de son vaste projet «Post-Capitalism» qui explore l’йclosion et les significations des nouvelles formes du monde contemporain. Lа oщ, en leur temps, Barthes discernait des mythologies et Debord le spectaculaire, Frank Perrin rйvиle le moteur de notre condition post-capitaliste : le fantasme, dont la forme emblйmatique serait la faзade. Ou plutфt un monstrueux et fascinant collage linйaire de plans, que seul le panoramique peut dйployer dans sa rйalitй anamorphique. Le Capitalisme fut par excellence l’вge de la photographie, puis du cinйma. Il s’agissait de transformer la valeur d’usage des instants en valeur d’йchange des images. Le Post-Capitalisme ouvre la civilisation du scanner. Un faisceau lumineux glisse sur le monde, en capture de longs fragments qu’il code ensuite en йlйments que l’on peut agencer et transformer а l’infini. Aujourd’hui, nous ne produisons plus d’images finies, mais des fichiers de fabrication, des modйlisations. Si l’йchange s’en trouve dйcuplй (le Post-Capitalisme est d’abord un Super-Capitalisme), ce changement excиde de loin l’йconomie ou la technique. Il soulиve des questions comme celle de la «vйritй numйrique » (l’expression est d’Andreas Gursky) qui diffиre de l’ancienne «vйritй analogique».
Streets, Dйfilйs, Joggers : plusieurs sections antйrieures de Post-Capitalism exploraient dйjа les ressources du travelling et du panoramique pour mieux analyser les mйtamorphoses du dйsir et du clinquant. Dans les deux nouvelles sections : Building Money et Ruins, Frank Per rin insiste davantage sur des dimensions imaginaires autant qu’il s’interroge sur la signification et la justification du collage. Un trait singulier de ces deux sections est l’absence de tout personnage.
Comme dans les Citйs idйales de la Renaissance, elles proposent des architectures moins а vivre qu’а penser.
Rien ne s’oppose davantage а la pensйe contemporaine que l’idйe de ruine. Nous voulons que tout reste neuf perpйtuellement. La retouche numйrique n’est au fond qu’une application а l’image de la chirurgie esthйtique. А rebours, dans cette section, Frank Perrin s’interroge sur la ruine contemporaine en explorant la forme dйcor, un ensemble de fictions architecturales qu’on laisse а l’abandon quand elles ont fini de servir, avant de les recycler pour une nouvelle histoire. Crйer un rйpertoire de fragments sans profondeur, lisses comme des icфnes, des morceaux qui signifient telle ville, telle йpoque, pour une fiction vraisemblable. Ruins, ce sont des prises de nvue entre deux tournages ; non pas l’envers, mais l’endroit du dйcor. L’arrкt sur image dйcode la fiction, quand le mouvement encode l’illusion.
Avec Building Money, il s’agit а la fois de comprendre la maniиre dont l’argent se construit et de montrer les signes qui circulent par la monnaie. D’une certaine faзon, la monnaie fiduciaire, nos piиces et nos billets de banque, sont autant de ruines, а tout point de vue des survivances analogiques а l’иre du numйrique. Dans Building Money, Frank Perrin dйlaisse la photographie pour explorer pour la premiиre fois la numйrisation-collage. Utilisant des billets de nombreux pays, il en a isolй des reproductions de bвtiments pour construire de longues frises, comme des paysages imaginaires, de complexes signifiants flottants.
De gauche а droite, par exemple, une mosquйe du Yйmen, le Capitole а Washington, l’ancienne bourse de Moscou, une vue de Beyrouth, Angkor Vat et le Parlement de l’Ouganda. Esthйtiquement naпves et pйrimйes (les billets de banque en sont restйs а la gravure), ces reprйsentations nous rйvиlent malgrй elles la vйritй kitsch et dйrisoire des symboles nationaux du pouvoir. Elles ne manquent pourtant pas de charme. Frank Perrin sait au mieux utiliser la taille douce et le rendu monochrome pour assurer l’unitй de ces paysages composites dans un йloignement intemporel. Il leur confиre ainsi une aura de mystиre et de beautй.
Daniel Lesbaches
 

Tags: Andreas Gursky, Li Hui