Claude Rutault
16 Oct 2013 - 12 Jan 2014
CLAUDE RUTAULT
Commencer encore
cycle Des histoires sans fin, séquence automne-hiver 2013-2014
du 16 octobre 2013 au 12 janvier 2014
une toile tendue sur châssis peinte de la même couleur que le mur sur lequel elle est accrochée. sont utilisables tous les formats standards disponibles dans le commerce qu’ils soient rectangulaires, carrés ronds ou ovales. l’accrochage est traditionnel. Par ces quelques lignes constituant la première définition/méthode (d/m), Claude Rutault pose en 1973 les bases de tout son travail ultérieur et trouve sa place dans l’histoire de l’art.
Avant lui, de nombreux artistes se sont déjà demandés comment peindre et que peindre après que le processus moderniste a abouti au monochrome. En France, les membres du Groupe BMPT (1966-1967) proposent chacun un degré d’intervention minimal sur la toile, répétant inlassablement un motif identique. À leur suite, les artistes de Supports/Surfaces (1969-1972) décomposent et mettent à nu les éléments constitutifs de la peinture : châssis, toile, empreinte, etc. C. Rutault développe une œuvre à la singularité irréductible, néanmoins, le spectateur informé de ce contexte historique pourra tirer des parallèles instructifs. L’artiste nourrit également son travail d’un champ de références issu de l’art conceptuel américain. Lawrence Weiner, par exemple, énonce en 1968 dans sa Déclaration d’intention que : 1. L’artistepeut construire l’œuvre. 2. L’œuvre peut être fabriquée. 3. L’œuvre peutnepasêtreréalisée. Ces deux familles artistiques offrent à C. Rutault les outils pour mener un travail de peinture qui, d’une part, outrepasse la question du monochrome et, d’autre part, intègre une dimension textuelle, programmatique, ouverte, incluant le récepteur de l’œuvre. Les d/m qu’énonce C. Rutault lui permettent de continuerà peindre, après que la peinture a été repoussée dans ses ultimes retranchements, en liant le destin du tableau à ceux des murs qui l’accueilleront. Il étend les conséquences d’une définition de la peinture en tant que recouvrement d’une surface plane au-delà du tableau. La peinture étant toujours neuve, repeinte à volonté, elle ne peut jamais se scléroser en un objet d’art figé, intouchable. Par ailleurs, le propriétaire d’une œuvre de C. Rutault, dénommé preneur encharge, est seul responsable de la réalisation matérielle de l’œuvre dans le respect du texte de la d/m. Pour l’inauguration du Mamco, C. Rutault a fait l’inventaire des d/m alors existantes — il y en avait 249 — et les a rassemblées en une œuvre éponyme, exposée en permanence au troisième étage. Toute la pein- ture de Rutault est donc là dans sa potentialité, mais ses possibilités d’actualisations, de recréations, restent infinies. Tout autant qu’à peindre, C. Rutault s’intéresse à ne pas peindre. Il accroche ainsi des toiles brutes sur des murs vierges ; et le format du tableau suffit à désigner la peinture, même en son absence. Il fait aussi de l’écriture le lieu de son activité artistique, dans de brefs ouvrages mi-fictionnels, mi-théoriques, où son œuvre trouve un autre mode d’existence.
« En 1973, écrit Rutault, je n’avais pas une idée précise des développements possibles de la proposition, même si j’ai eu très vite l’impression qu’il n’était plus possible de revenir en arrière. » Quatre décennies plus tard, l’idée d’un retour en arrière est toujours inconcevable, à tel point que C. Rutault décide même de repeindre toutes ses peintures réalisées avant la première définition/méthode de 1973. L’exposition (p)réparations, tenue au Mamco en 2006, a montré ce travail iconoclaste qui visait pourtant à indexer au corpus d’un œuvre ses items hétérodoxes.
Peindre, ne pas peindre, repeindre, ces trois états de la peinture en appellent un dernier : dépeindre. C. Rutault a demandé à une restauratrice d’ôter soigneusement la couche picturale de certains de ses tableaux, et, afin de rester en accord avec sa première définition/méthode, a fait modifier de manière comparable les murs sur lesquels ils sont accrochés. La présente exposition expose donc ces quatre états de la peinture selon C. Rutault.
Entre 1999 et 2004, C. Rutault est chargé de la restauration de l’église de Saint-Prim. On se rappellera alors les blanchissements iconoclastes de la Réforme, qui ont paradoxalement protégé des fresques médiévales, mais aussi les grattages appliqués des restaurateurs du XIXe siècle qui croyaient, eux, retrouver une pureté originelle fantasmée. Dès lors, la formule de C. Rutault ne vise plus seulement à unifier son propre travail, mais fonctionne, comme une métonymie, du particulier vers le général.
Claude Rutault est né en 1941 aux Trois-Moutiers ; il vit à Vaucresson.
* Une traduction en anglais a été réalisée grâce au soutien de J.P. Morgan Private Bank.
Commencer encore
cycle Des histoires sans fin, séquence automne-hiver 2013-2014
du 16 octobre 2013 au 12 janvier 2014
une toile tendue sur châssis peinte de la même couleur que le mur sur lequel elle est accrochée. sont utilisables tous les formats standards disponibles dans le commerce qu’ils soient rectangulaires, carrés ronds ou ovales. l’accrochage est traditionnel. Par ces quelques lignes constituant la première définition/méthode (d/m), Claude Rutault pose en 1973 les bases de tout son travail ultérieur et trouve sa place dans l’histoire de l’art.
Avant lui, de nombreux artistes se sont déjà demandés comment peindre et que peindre après que le processus moderniste a abouti au monochrome. En France, les membres du Groupe BMPT (1966-1967) proposent chacun un degré d’intervention minimal sur la toile, répétant inlassablement un motif identique. À leur suite, les artistes de Supports/Surfaces (1969-1972) décomposent et mettent à nu les éléments constitutifs de la peinture : châssis, toile, empreinte, etc. C. Rutault développe une œuvre à la singularité irréductible, néanmoins, le spectateur informé de ce contexte historique pourra tirer des parallèles instructifs. L’artiste nourrit également son travail d’un champ de références issu de l’art conceptuel américain. Lawrence Weiner, par exemple, énonce en 1968 dans sa Déclaration d’intention que : 1. L’artistepeut construire l’œuvre. 2. L’œuvre peut être fabriquée. 3. L’œuvre peutnepasêtreréalisée. Ces deux familles artistiques offrent à C. Rutault les outils pour mener un travail de peinture qui, d’une part, outrepasse la question du monochrome et, d’autre part, intègre une dimension textuelle, programmatique, ouverte, incluant le récepteur de l’œuvre. Les d/m qu’énonce C. Rutault lui permettent de continuerà peindre, après que la peinture a été repoussée dans ses ultimes retranchements, en liant le destin du tableau à ceux des murs qui l’accueilleront. Il étend les conséquences d’une définition de la peinture en tant que recouvrement d’une surface plane au-delà du tableau. La peinture étant toujours neuve, repeinte à volonté, elle ne peut jamais se scléroser en un objet d’art figé, intouchable. Par ailleurs, le propriétaire d’une œuvre de C. Rutault, dénommé preneur encharge, est seul responsable de la réalisation matérielle de l’œuvre dans le respect du texte de la d/m. Pour l’inauguration du Mamco, C. Rutault a fait l’inventaire des d/m alors existantes — il y en avait 249 — et les a rassemblées en une œuvre éponyme, exposée en permanence au troisième étage. Toute la pein- ture de Rutault est donc là dans sa potentialité, mais ses possibilités d’actualisations, de recréations, restent infinies. Tout autant qu’à peindre, C. Rutault s’intéresse à ne pas peindre. Il accroche ainsi des toiles brutes sur des murs vierges ; et le format du tableau suffit à désigner la peinture, même en son absence. Il fait aussi de l’écriture le lieu de son activité artistique, dans de brefs ouvrages mi-fictionnels, mi-théoriques, où son œuvre trouve un autre mode d’existence.
« En 1973, écrit Rutault, je n’avais pas une idée précise des développements possibles de la proposition, même si j’ai eu très vite l’impression qu’il n’était plus possible de revenir en arrière. » Quatre décennies plus tard, l’idée d’un retour en arrière est toujours inconcevable, à tel point que C. Rutault décide même de repeindre toutes ses peintures réalisées avant la première définition/méthode de 1973. L’exposition (p)réparations, tenue au Mamco en 2006, a montré ce travail iconoclaste qui visait pourtant à indexer au corpus d’un œuvre ses items hétérodoxes.
Peindre, ne pas peindre, repeindre, ces trois états de la peinture en appellent un dernier : dépeindre. C. Rutault a demandé à une restauratrice d’ôter soigneusement la couche picturale de certains de ses tableaux, et, afin de rester en accord avec sa première définition/méthode, a fait modifier de manière comparable les murs sur lesquels ils sont accrochés. La présente exposition expose donc ces quatre états de la peinture selon C. Rutault.
Entre 1999 et 2004, C. Rutault est chargé de la restauration de l’église de Saint-Prim. On se rappellera alors les blanchissements iconoclastes de la Réforme, qui ont paradoxalement protégé des fresques médiévales, mais aussi les grattages appliqués des restaurateurs du XIXe siècle qui croyaient, eux, retrouver une pureté originelle fantasmée. Dès lors, la formule de C. Rutault ne vise plus seulement à unifier son propre travail, mais fonctionne, comme une métonymie, du particulier vers le général.
Claude Rutault est né en 1941 aux Trois-Moutiers ; il vit à Vaucresson.
* Une traduction en anglais a été réalisée grâce au soutien de J.P. Morgan Private Bank.