Mike Kelley
02 May - 05 Aug 2013
MIKE KELLEY
Curator : Mnam/Cci, Sophie Duplaix
2 May - 5 August 2013
Le Centre Pompidou présente la première rétrospective française consacrée à l’oeuvre de Mike Kelley à travers un parcours d’une centaine d’oeuvres réalisées entre 1974 et 2011. Décédé prématurément en janvier 2012, l’artiste américain (né en 1954 à Detroit) a laissé derrière lui une oeuvre prolifique et dérangeante, puisant tout à la fois dans la culture savante et la culture populaire. À la suite d’une première étape au Stedelijk Museum d’Amsterdam, cette exposition itinérante, conçue en collaboration avec la Mike Kelley Foundation for the Arts, sera, après Paris, présentée au MoMA PS1 de New York et au MoCA de Los Angeles. Chaque ville constitue un rendez-vous spécifique puisque chaque présentation est reconfigurée selon le lieu.
Au Centre Pompidou, le parcours de l’exposition s’articule autour des temps forts de la production de l’artiste. Les grandes installations sont confrontées à des ensembles de travaux plus intimistes, en particulier sur papier, issus de collections européennes et américaines. Des premières performances réalisées par l’artiste à CalArts, la célèbre école d’art de Los Angeles, à son oeuvre graphique d’une richesse étonnante, et aux dispositifs spectaculaires dans lesquels il recourt à toutes les techniques (vidéo, photographies, objets hétéroclites...), le travail érudit et teinté d’irrévérence de Mike Kelley se déploie dans un parcours visuel et sonore saisissant.
L’exposition s’ouvre sur les premières performances de la seconde moitié des années 1970 dans lesquelles la dimension sonore est omniprésente. Mike Kelley met en scène des objets aux formes élémentaires (tubes, cônes, etc.), faits de matériaux ordinaires, qui jouent le rôle de passeurs, d’amplificateurs ou de décodeurs du langage. Dans Plato’s Cave, Rothko’s Chapel, Lincoln’s Profile, Kelley forme des associations verbales à partir de noms qui n’ont a priori rien à voir, pour écrire le script d’une performance dont il plante le décor à la manière d’une scène de concert rock. Cet intérêt pour le son et la culture musicale populaire se retrouve également avec l’évocation du groupe punk rock que Mike Kelley fonde avec Tony Oursler en 1977, The Poetics, dont l’histoire, restée confidentielle, est remise en perspective dans une magistrale installation présentée initialement à la Documenta X de Cassel en 1997 puis acquise par le Centre Pompidou.
La réhabilitation des histoires « mineures » est au coeur du travail de Mike Kelley, qui se déjoue sans cesse des récits figés et linéaires pour recomposer d’autres réseaux de références invitant à penser le cours des choses autrement. Une importante section de l’exposition est consacrée à ce qui rendra Mike Kelley célèbre – non sans un parfum de scandale – au début des années 1990 : la série d’oeuvres intitulée Half a Man. Elle comprend de grands dessins de parties du corps – poumons, intestins, cerveaux... – associés à des dessins de sacs poubelles ou de poupées de chiffons, ainsi que des petits tapis tricotés, disposés au sol, mettant en scène animaux en peluches trouvés ou poupées rembourrées faites main. Mike Kelley y fait dialoguer les registres psychologique et artistique, le régressif et la critique du minimalisme. Ce que l’artiste donne à voir n’est en rien un commentaire autobiographique, mais un dispositif à la fois tragique et comique, puisant dans l’univers enfantin tout en s’adressant aux adultes, suscitant l’empathie tout comme le rejet dans une tension qui provoque nécessairement un certain malaise.
Une autre section s’articule autour du thème de l’éducation, avec en particulier Educational complex, gigantesque maquette blanche constituée de la somme des établissements scolaires qui ont jalonné la vie de Mike Kelley. Les parties lisses correspondent aux zones que la mémoire n’a pas su restituer, symptôme, selon l’artiste, de l’occurrence d’un traumatisme. La question de la mémoire refoulée et la création de souvenirs écran innervent tout un pan du propos de Mike Kelley, depuis cette oeuvre majeure jusqu’aux installations du corpus Day is Done, fictions créées à partir d’images d’activités extra–scolaires de lycéens ou d’étudiants, telles les fêtes déguisées ou autres rituels compétitifs hors norme. L’exposition offre aussi une place à la série Memory Ware qui se déploie à la fois en volume, avec une imposante sculpture aux contours informes ornée de breloques, et en deux dimensions, avec des tableaux faits de multiples petits objets trouvés figés dans la matière pour composer, en dépit de leur caractère dérisoire, un univers visuel hautement séduisant. Les registres extrêmes, tant sur le plan artistique que sur le plan culturel, sont sans cesse mis en opposition chez Mike Kelley avec une audace étonnante, comme s’il fallait faire voler en éclats toute hiérarchie contraignante et regarder le monde tel qu’il est, dans sa beauté comme dans sa laideur. Une salle est consacrée aux énergies à l’oeuvre dans la cosmogonie de l’artiste, esprits qui viennent s’emparer des êtres ou énergie vitale, sexuelle. La circulation des fluides est l’un des motifs récurrents dans l’iconographie de Mike Kelley.
Le parcours s’achève sur une salle consacrée à un ensemble autour de la série Kandors, inspirée par la ville mythique de Superman. Mike Kelley a décliné les représentations multiples de la cité fictive sous d’innombrables formes, depuis les grandes installations lumineuses jusqu’aux microcosmes colorés. Cette série renoue avec la question de la mémoire dont les lacunes occultent la fidélité de toute représentation. Jamais Kandor n’est évoquée de façon similaire dans les bandes dessinées, si bien qu’elle s’ouvre à une multitude de déclinaisons, toutes aussi valables, dans lesquelles l’artiste s’était engagé sans chercher à y mettre un terme. L’imbrication des séries entre elles, leur résonance, le recours à tous les matériaux et à tous les registres formels, la place essentielle du son et du langage insufflent à ce corpus d’oeuvres magistral la force d’un commentaire critique décapant sur l’art et sur la société.
Curator : Mnam/Cci, Sophie Duplaix
2 May - 5 August 2013
Le Centre Pompidou présente la première rétrospective française consacrée à l’oeuvre de Mike Kelley à travers un parcours d’une centaine d’oeuvres réalisées entre 1974 et 2011. Décédé prématurément en janvier 2012, l’artiste américain (né en 1954 à Detroit) a laissé derrière lui une oeuvre prolifique et dérangeante, puisant tout à la fois dans la culture savante et la culture populaire. À la suite d’une première étape au Stedelijk Museum d’Amsterdam, cette exposition itinérante, conçue en collaboration avec la Mike Kelley Foundation for the Arts, sera, après Paris, présentée au MoMA PS1 de New York et au MoCA de Los Angeles. Chaque ville constitue un rendez-vous spécifique puisque chaque présentation est reconfigurée selon le lieu.
Au Centre Pompidou, le parcours de l’exposition s’articule autour des temps forts de la production de l’artiste. Les grandes installations sont confrontées à des ensembles de travaux plus intimistes, en particulier sur papier, issus de collections européennes et américaines. Des premières performances réalisées par l’artiste à CalArts, la célèbre école d’art de Los Angeles, à son oeuvre graphique d’une richesse étonnante, et aux dispositifs spectaculaires dans lesquels il recourt à toutes les techniques (vidéo, photographies, objets hétéroclites...), le travail érudit et teinté d’irrévérence de Mike Kelley se déploie dans un parcours visuel et sonore saisissant.
L’exposition s’ouvre sur les premières performances de la seconde moitié des années 1970 dans lesquelles la dimension sonore est omniprésente. Mike Kelley met en scène des objets aux formes élémentaires (tubes, cônes, etc.), faits de matériaux ordinaires, qui jouent le rôle de passeurs, d’amplificateurs ou de décodeurs du langage. Dans Plato’s Cave, Rothko’s Chapel, Lincoln’s Profile, Kelley forme des associations verbales à partir de noms qui n’ont a priori rien à voir, pour écrire le script d’une performance dont il plante le décor à la manière d’une scène de concert rock. Cet intérêt pour le son et la culture musicale populaire se retrouve également avec l’évocation du groupe punk rock que Mike Kelley fonde avec Tony Oursler en 1977, The Poetics, dont l’histoire, restée confidentielle, est remise en perspective dans une magistrale installation présentée initialement à la Documenta X de Cassel en 1997 puis acquise par le Centre Pompidou.
La réhabilitation des histoires « mineures » est au coeur du travail de Mike Kelley, qui se déjoue sans cesse des récits figés et linéaires pour recomposer d’autres réseaux de références invitant à penser le cours des choses autrement. Une importante section de l’exposition est consacrée à ce qui rendra Mike Kelley célèbre – non sans un parfum de scandale – au début des années 1990 : la série d’oeuvres intitulée Half a Man. Elle comprend de grands dessins de parties du corps – poumons, intestins, cerveaux... – associés à des dessins de sacs poubelles ou de poupées de chiffons, ainsi que des petits tapis tricotés, disposés au sol, mettant en scène animaux en peluches trouvés ou poupées rembourrées faites main. Mike Kelley y fait dialoguer les registres psychologique et artistique, le régressif et la critique du minimalisme. Ce que l’artiste donne à voir n’est en rien un commentaire autobiographique, mais un dispositif à la fois tragique et comique, puisant dans l’univers enfantin tout en s’adressant aux adultes, suscitant l’empathie tout comme le rejet dans une tension qui provoque nécessairement un certain malaise.
Une autre section s’articule autour du thème de l’éducation, avec en particulier Educational complex, gigantesque maquette blanche constituée de la somme des établissements scolaires qui ont jalonné la vie de Mike Kelley. Les parties lisses correspondent aux zones que la mémoire n’a pas su restituer, symptôme, selon l’artiste, de l’occurrence d’un traumatisme. La question de la mémoire refoulée et la création de souvenirs écran innervent tout un pan du propos de Mike Kelley, depuis cette oeuvre majeure jusqu’aux installations du corpus Day is Done, fictions créées à partir d’images d’activités extra–scolaires de lycéens ou d’étudiants, telles les fêtes déguisées ou autres rituels compétitifs hors norme. L’exposition offre aussi une place à la série Memory Ware qui se déploie à la fois en volume, avec une imposante sculpture aux contours informes ornée de breloques, et en deux dimensions, avec des tableaux faits de multiples petits objets trouvés figés dans la matière pour composer, en dépit de leur caractère dérisoire, un univers visuel hautement séduisant. Les registres extrêmes, tant sur le plan artistique que sur le plan culturel, sont sans cesse mis en opposition chez Mike Kelley avec une audace étonnante, comme s’il fallait faire voler en éclats toute hiérarchie contraignante et regarder le monde tel qu’il est, dans sa beauté comme dans sa laideur. Une salle est consacrée aux énergies à l’oeuvre dans la cosmogonie de l’artiste, esprits qui viennent s’emparer des êtres ou énergie vitale, sexuelle. La circulation des fluides est l’un des motifs récurrents dans l’iconographie de Mike Kelley.
Le parcours s’achève sur une salle consacrée à un ensemble autour de la série Kandors, inspirée par la ville mythique de Superman. Mike Kelley a décliné les représentations multiples de la cité fictive sous d’innombrables formes, depuis les grandes installations lumineuses jusqu’aux microcosmes colorés. Cette série renoue avec la question de la mémoire dont les lacunes occultent la fidélité de toute représentation. Jamais Kandor n’est évoquée de façon similaire dans les bandes dessinées, si bien qu’elle s’ouvre à une multitude de déclinaisons, toutes aussi valables, dans lesquelles l’artiste s’était engagé sans chercher à y mettre un terme. L’imbrication des séries entre elles, leur résonance, le recours à tous les matériaux et à tous les registres formels, la place essentielle du son et du langage insufflent à ce corpus d’oeuvres magistral la force d’un commentaire critique décapant sur l’art et sur la société.