Richard Jackson
21 Jun - 31 Jul 2007
RICHARD JACKSON
THE MAID'S ROOM - THE DINING ROOM
Exposition du 21 juin au 31 juillet 2007
La nouvelle exposition de Richard Jackson à la Galerie Georges-Philippe et Nathalie Vallois se veut un hommage à l’un des chef-d’oeuvres de l’art moderne : Étant donnés : 1. La chute d’eau, 2. Le gaz d’éclairage de Marcel Duchamp. En fait, c’est tout à la fois une réplique fidèle de l’original (basée sur une lecture attentive des notes d’installation de l’artiste français) et une transformation de l’oeuvre de Duchamp, produite par l’utilisation de deux procédés parallèles. Le premier peut être décrit comme une extension de l’oeuvre de par l’effraction de l’enceinte hermétique de l’original et son ouverture sur un autre espace, ainsi que sur d’autres perspectives. Le nu de Jackson n’est pas un corps anonyme, c’est une femme de ménage. Quand on regarde par le trou aménagé dans la porte, c’est donc une chambre de bonne
que l’on voit, avec une porte ouverte au fond sur sa salle de bain, et même (en référence aux origines françaises de Duchamp) sur un bidet. La chambre de bonne donne aussi sur la salle à manger, dans laquelle la famille qui l’emploie (le père qui défèque partout, la mère qui allaite son enfant, le chien qui pisse) procède à un échange de fluides comique, des litres de peinture de différentes couleurs ayant giclé de leurs orifices sur les meubles environnants. Cette extension thématique et architecturale de la pièce est reprise dans le dessin des personnages, qui évoque des choses aussi diverses que les mangas japonais, le symbole du smiley-face, et les sculptures hyper-réalistes de Duane Hanson. C’est aussi dans le dessin des personnages que le second procédé de transformation utilisé par Jackson se révèle : un changement de registre humoristique. Si l’oeuvre de Duchamp repose sur un usage subtil et profond de l’ironie, celle de Jackson oscille entre l’humour pince-sans-rire et le grotesque. Ce dernier apparaît de prime abord dans la composition des personnages (la mère étant une pompe à peinture montée sur un corps de femme obèse, tandis que son enfant est un smiley-face gigantesque avec des pieds). Il est aussi présent dans la perspective acerbe de Jackson sur l’idéal de la famille dite “nucléaire.” L’artiste y déploie une version profondément philosophique du grotesque, qui n’est pas sans rappeler celle du satiriste allemand Salomo Friedlander. Ce dernier, dans un texte signé de son pseudonyme Mynona (un acronyme de anonym ou anonyme en allemand), avait défini le genre du grotesque comme une manière de mettre à nu la corruption de la normalité et de ses conventions en les caricaturant à l’extrême. Comme le Groteskenmacher ou «artisan du grotesque» de Friedlander, Jackson est un exterminateur (Kammerjäger ou «chasseur de chambre») de la “vermine” de “l’âme moderne.” Tandis que Duchamp visait les rituels spéculaires et spectaculaires de l’art moderne, Jackson nous livre une comédie intime (Kammerspiel ou «pièce de chambre») de la vie moderne. Pour ce faire, il envahit les huis clos de Étant donnés d’un ensemble de personnages monstrueux crachant de la peinture, telle de la bile ou de l’urine, sur les décors de son roman familial. C’est une adaptation de Étant donnés pour l’époque de Jerry Springer (la téléréalité), et de John Hughes, et c’est précisément sa distance et sa différence par rapport à l’oeuvre duchampienne qui en fait une adaptation si éloquente et si fidèle.
Julien Bismuth (avril 2007)
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Richard Jackson’s new exhibition at the Galerie Georges-Philippes et Nathalie Vallois is an hommage to one of the masterpieces of twentieth-century art: Marcel Duchamp’s Étants donnés : 1. La chute d’eau 2. Le gaz d’éclairage (Given: 1. The waterfall 2. The illuminating gas). In fact, it is both a faithful copy of the original (based on a careful examination of the notes provided by Duchamp for the installation of his work), as well as its transformation, one that is carried out by way of two parallel procedures. The first is an extension of the work, breaking open the closed chamber of the original by literally opening up another door, and another perspective, in the back of the piece. The nude in Jackson’s piece is not simply an anonymous body, she is a maid, and as such what the viewer peeks into is a maid’s room, furnished with a bathroom and even (in keeping with Duchamp’s Gallic origins) a bidet. The maid’s room adjoins a dining room in which her employers ( a defecating father, a mother nursing her infant, a pissing dog...) are engaged in a comic exchange of fluids, liters of different-colored paint pumped through their various orifices onto the surrounding furniture. This architectural and thematic extension of the piece is further enhanced by the design of the family members, which references everything from the ubiquitous smiley-face to Japanese animation and Duane Hanson’s hyper-realistic sculptures. It is also in the design of the figures that the second transformative or translational procedure employed by Jackson is revealed, namely a shift in the type of humor employed. Whereas Duchamp’s work hinges on a subtle and profound
sense of irony, Jackson’s latest piece oscillates between dry wit and the grotesque. The former first reveals itself in the composition of the different figures (the mother’s head a paint-pump tacked onto an obsese body, the infant in her arms a big smiley-face with legs). It also can be detected in his acerbic take on the ideal of the nuclear family. In this respect, Jackson mobilizes a profound and profoundly philosophical version of the grotesque, one that recalls the definition of the genre by the German satirist Salomo Friedlander. Writing under the pseudonym of Mynona (an acronym for anonym or anonymous in German), Friedlander defined the genre as a means of revealing the corrupt nature of normality and its conventions by distorting them to the point of caricatural excess. Like Friedlander’s artisan of the grotesque or Groteskenmacher, Jackson is an exterminator (Kammerjäger, i.e. a chamber-hunter or hunter in domestic rooms) of the “rodents” of the «modern soul.» Whereas Duchamp targeted the specular and spectacular rituals of modern art, Jackson’s restaging of his work is an intimate comedy (Kammerspiel or chamber-play) on «normal life,» the closed chamber of Étants donnés invaded by a monstrous cast of caricatures, spewing forth paint like bile or piss onto the set of his family romance. This is Étants donnés for the age of Jerry Springer, reality-TV, and John Hughes, and it is its distance and difference from the Duchampian original that makes of it such an eloquent and faithful adaptation.
Julien Bismuth (april 2007)
THE MAID'S ROOM - THE DINING ROOM
Exposition du 21 juin au 31 juillet 2007
La nouvelle exposition de Richard Jackson à la Galerie Georges-Philippe et Nathalie Vallois se veut un hommage à l’un des chef-d’oeuvres de l’art moderne : Étant donnés : 1. La chute d’eau, 2. Le gaz d’éclairage de Marcel Duchamp. En fait, c’est tout à la fois une réplique fidèle de l’original (basée sur une lecture attentive des notes d’installation de l’artiste français) et une transformation de l’oeuvre de Duchamp, produite par l’utilisation de deux procédés parallèles. Le premier peut être décrit comme une extension de l’oeuvre de par l’effraction de l’enceinte hermétique de l’original et son ouverture sur un autre espace, ainsi que sur d’autres perspectives. Le nu de Jackson n’est pas un corps anonyme, c’est une femme de ménage. Quand on regarde par le trou aménagé dans la porte, c’est donc une chambre de bonne
que l’on voit, avec une porte ouverte au fond sur sa salle de bain, et même (en référence aux origines françaises de Duchamp) sur un bidet. La chambre de bonne donne aussi sur la salle à manger, dans laquelle la famille qui l’emploie (le père qui défèque partout, la mère qui allaite son enfant, le chien qui pisse) procède à un échange de fluides comique, des litres de peinture de différentes couleurs ayant giclé de leurs orifices sur les meubles environnants. Cette extension thématique et architecturale de la pièce est reprise dans le dessin des personnages, qui évoque des choses aussi diverses que les mangas japonais, le symbole du smiley-face, et les sculptures hyper-réalistes de Duane Hanson. C’est aussi dans le dessin des personnages que le second procédé de transformation utilisé par Jackson se révèle : un changement de registre humoristique. Si l’oeuvre de Duchamp repose sur un usage subtil et profond de l’ironie, celle de Jackson oscille entre l’humour pince-sans-rire et le grotesque. Ce dernier apparaît de prime abord dans la composition des personnages (la mère étant une pompe à peinture montée sur un corps de femme obèse, tandis que son enfant est un smiley-face gigantesque avec des pieds). Il est aussi présent dans la perspective acerbe de Jackson sur l’idéal de la famille dite “nucléaire.” L’artiste y déploie une version profondément philosophique du grotesque, qui n’est pas sans rappeler celle du satiriste allemand Salomo Friedlander. Ce dernier, dans un texte signé de son pseudonyme Mynona (un acronyme de anonym ou anonyme en allemand), avait défini le genre du grotesque comme une manière de mettre à nu la corruption de la normalité et de ses conventions en les caricaturant à l’extrême. Comme le Groteskenmacher ou «artisan du grotesque» de Friedlander, Jackson est un exterminateur (Kammerjäger ou «chasseur de chambre») de la “vermine” de “l’âme moderne.” Tandis que Duchamp visait les rituels spéculaires et spectaculaires de l’art moderne, Jackson nous livre une comédie intime (Kammerspiel ou «pièce de chambre») de la vie moderne. Pour ce faire, il envahit les huis clos de Étant donnés d’un ensemble de personnages monstrueux crachant de la peinture, telle de la bile ou de l’urine, sur les décors de son roman familial. C’est une adaptation de Étant donnés pour l’époque de Jerry Springer (la téléréalité), et de John Hughes, et c’est précisément sa distance et sa différence par rapport à l’oeuvre duchampienne qui en fait une adaptation si éloquente et si fidèle.
Julien Bismuth (avril 2007)
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Richard Jackson’s new exhibition at the Galerie Georges-Philippes et Nathalie Vallois is an hommage to one of the masterpieces of twentieth-century art: Marcel Duchamp’s Étants donnés : 1. La chute d’eau 2. Le gaz d’éclairage (Given: 1. The waterfall 2. The illuminating gas). In fact, it is both a faithful copy of the original (based on a careful examination of the notes provided by Duchamp for the installation of his work), as well as its transformation, one that is carried out by way of two parallel procedures. The first is an extension of the work, breaking open the closed chamber of the original by literally opening up another door, and another perspective, in the back of the piece. The nude in Jackson’s piece is not simply an anonymous body, she is a maid, and as such what the viewer peeks into is a maid’s room, furnished with a bathroom and even (in keeping with Duchamp’s Gallic origins) a bidet. The maid’s room adjoins a dining room in which her employers ( a defecating father, a mother nursing her infant, a pissing dog...) are engaged in a comic exchange of fluids, liters of different-colored paint pumped through their various orifices onto the surrounding furniture. This architectural and thematic extension of the piece is further enhanced by the design of the family members, which references everything from the ubiquitous smiley-face to Japanese animation and Duane Hanson’s hyper-realistic sculptures. It is also in the design of the figures that the second transformative or translational procedure employed by Jackson is revealed, namely a shift in the type of humor employed. Whereas Duchamp’s work hinges on a subtle and profound
sense of irony, Jackson’s latest piece oscillates between dry wit and the grotesque. The former first reveals itself in the composition of the different figures (the mother’s head a paint-pump tacked onto an obsese body, the infant in her arms a big smiley-face with legs). It also can be detected in his acerbic take on the ideal of the nuclear family. In this respect, Jackson mobilizes a profound and profoundly philosophical version of the grotesque, one that recalls the definition of the genre by the German satirist Salomo Friedlander. Writing under the pseudonym of Mynona (an acronym for anonym or anonymous in German), Friedlander defined the genre as a means of revealing the corrupt nature of normality and its conventions by distorting them to the point of caricatural excess. Like Friedlander’s artisan of the grotesque or Groteskenmacher, Jackson is an exterminator (Kammerjäger, i.e. a chamber-hunter or hunter in domestic rooms) of the “rodents” of the «modern soul.» Whereas Duchamp targeted the specular and spectacular rituals of modern art, Jackson’s restaging of his work is an intimate comedy (Kammerspiel or chamber-play) on «normal life,» the closed chamber of Étants donnés invaded by a monstrous cast of caricatures, spewing forth paint like bile or piss onto the set of his family romance. This is Étants donnés for the age of Jerry Springer, reality-TV, and John Hughes, and it is its distance and difference from the Duchampian original that makes of it such an eloquent and faithful adaptation.
Julien Bismuth (april 2007)