Zoo Galerie

Simon Collet

17 May - 28 Jun 2014

SIMON COLLET
Z-depth
17 mai au 28 juin 2014

Procédant d’une soustraction à des champs aussi divers que la peinture classique, les films de science-fiction, les jeux vidéo ou même les romans fantastiques, les éléments qui entrent en jeu dans le travail de Simon Collet passent ensuite par le filtre d’un transfert de matière qui en éprouve la plasticité. Les outils qui permettent ces conversions peuvent être qualifiés d’industriels : peinture pour carrosserie, imagerie de synthèse et impression numérique s’emploient à revêtir voire à travestir des lattes de bois, des pans de tissu ou des lés de papier peint. Nous sommes alors en présence d’échantillons hybrides et multifonctions qui composent ce que l’artiste nomme des « kits », sorte de répertoire dans lequel il vient puiser pour mettre en scène ses interventions dans des espaces aussi bien physiques que fictifs, white cubes comme univers mathématiques, feuilles de papier comme écrans de projection. La perméabilité des médiums et leur adaptabilité produisent des œuvres en résonance avec leur contexte d’exposition et pourtant relativement dématérialisées dans lesquelles la texture — au sens numérique du terme — se fait l’écho de la peinture.

Pour sa première exposition personnelle en France, Simon Collet propose l’expérience d’un paysage abstrait incrusté dans l’espace de Zoo galerie qu’il conçoit comme une page SketchUp1 vierge. Le z-depth, qui donne son titre au projet, désigne une image numérique qui regroupe l’ensemble des données de profondeur des objets présents dans une scène créée sur un logiciel 3D, généralement calculée à partir de deux images de la même scène prises depuis deux points de vue différents et produite en niveaux de gris (au premier plan, les éléments sont représentés en blanc et, plus ils s’en éloignent, plus leur teinte est assombrie). Mis au point pour suppléer à l’algorithme du peintre à la puissance insuffisante, le z-depth procède, comme ce dernier, d’une manière illusionniste pour simuler la profondeur de champ : il se concentre sur ce que l’œil peut voir au lieu de calculer réellement chaque particule de l’image.

Pensés comme des calques superposés, les différents plans de la scène construite ici s’envisagent selon les multiples points de vue possibles ; pourtant, paradoxalement, l’enjeu se situe uniquement en surface et les éléments présentés ne se distancient jamais vraiment du mur. Les peintures — tantôt accrochées au mur, tantôt posées au bas — et les sculptures ne sont que les fragments d’un ensemble englobant l’espace même de leur présentation. À l’instar de molécules, ces éléments peuvent être scindés, regroupés, éclatés, fusionnés... Trois paysages synthétiques semblent se dessiner au cœur du premier que l’on avait d’abord perçu, matérialisant dans un espace physique une approche totalisante de la perspective. Tout comme le z-depth pallie les erreurs de l’algorithme du peintre, l’anti-aliasing (en français, « anticrénelage ») permet de corriger le crénelage qui apparaît parfois sur les contours obliques des objets générés numériquement — les pixels créant un « effet d’escalier » plus ou moins prononcé. Ces erreurs de calcul produisent ainsi un effet qui n’apparaît évidemment jamais sur un objet tangible mais que l’artiste se plaît ici à importer dans notre espace physique. Cherchant à excéder l’espace pictural comme l’espace digital en appliquant la grammaire du numérique à celle de la peinture, Simon Collet évoque la constitution de celle-ci en l’un des médiums privilégiés de la représentation en la confrontant aux méthodes de perception qui peuplent désormais notre espace visuel de potentialités d’abstraction renouvelées.

1 SketchUp est un logiciel de modélisation 3D (www.sketchup.com)